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jeudi 5 juillet 2012

Le Président Alpha Condé interviewé par le journal ‘’Le Monde’’ :« Il faut remplacer la politique d'aide par une politique d'investissement »


6 juillet 2012
Opposant historique aux régimes autoritaires qui ont dirigé la Guinée sans interruption depuis l'indépendance en 1958, longtemps exilé en France, Alpha Condé (74 ans) a été élu président en décembre 2010. En visite de travail en France, il a rencontré François Hollande, lundi 2 juillet.

Le président français a promis de rompre avec la politique africaine de ses prédécesseurs, avez-vous noté un changement ?
Depuis que François Hollande est élu, je dors ! Je n'ai pas eu de problèmes avec Nicolas Sarkozy mais avec son entourage. Il y a des gens qui ont tout fait pour me déstabiliser en décourageant les investisseurs. Aujourd'hui les discours n'ont rien à voir avec ceux d'hier. Deux exemples : durant le G20 de Mexico - le 19 juin -, François Hollande a dit que la France ne comptait pas se mêler de l'élection du président de la commission de l'Union africaine - élection qui fait l'objet d'une sourde bataille entre les Etats membres -. Egalement à Rio + 20, lors de la conférence des Nations unies sur le développement durable, le 20 juin, le président Hollande a soutenu les présidents africains, notamment pour la création d'une agence mondiale à Nairobi spécialisée pour l'environnement.
J'ai toujours été convaincu que François Hollande changerait la politique africaine de la France. J'ai salué le fait qu'il supprime le ministère de la coopération - renommé ministère du développement -. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est un partenariat, il faut remplacer la politique d'aide par une politique d'investissement et de partenariat "gagnant-gagnant" qui permettra de créer un marché pour les entreprises françaises, donnera du travail en Afrique et ainsi permettra de réduire l'immigration.
Ce que je sais, c'est que Hollande n'a pas de réseaux. Ce qui ne signifie pas qu'il ne connaît pas l'Afrique. On ne compte pas les fois où il a rencontré des chefs africains lors des réunions de l'Internationale socialiste ou aux congrès du PS. Il a sa propre vision de l'Afrique.
 Comment sortir le Mali de la crise qu'il traverse ?
Nous sommes tous maliens ! Le Mali n'est pas seulement le problème de la Cédéao - Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest - ou de l'Afrique. C'est pourquoi j'ai voulu que le dossier soit transféré au Conseil de sécurité de l'ONU. J'ai demandé le soutien de la France afin que soit rapidement votée une résolution qui permette le déploiement d'une force internationale. Il faut sécuriser Bamako et constituer un gouvernement d'union nationale. Ensuite, il faut chasser les rebelles de Gao, Tombouctou et Kidal. Ce qui sera plus compliqué c'est de les chasser du Sahara. Mais d'abord il faut sécuriser Bamako et intervenir militairement aux côtés des Maliens, négocier avec le MNLA - les Touareg indépendantistes du Mouvement national de libération de l'Azawad - qui a des revendications identitaires dans le cadre d'un Mali unitaire.
 Faut-il aussi discuter avec les islamistes d'Ansar Eddine ?
On ne peut pas négocier avec des gens qui veulent instaurer un Etat islamiste et qui détruisent le patrimoine africain comme à Tombouctou. Ils font ce que les talibans ont fait en Afghanistan. D'ailleurs je regrette que l'Occident ne se mobilise pas de la même façon que contre les talibans.
 Vous aviez promis d'organiser des législatives dans un délai de six mois après votre élection en décembre 2010, or il n'y a toujours pas de date fixée, pourquoi ?
J'ai toujours dit que je fixerai une date seulement si j'ai la certitude que le calendrier peut être respecté. L'Organisation internationale pour la francophonie (OIF) est venue plusieurs fois en Guinée pour identifier les problèmes. Ils ont rencontré la classe politique, les diplomates. Ils vont revenir pour assister la Commission électorale nationale indépendante (CENI) afin d'assurer la transparence du scrutin.
L'OIF doit me dire dans quel délai on peut régler tel problème technique (transfert des données alphanumériques des électeurs, correction et révision de la liste électorale, etc.) et quand organiser les élections.
 Fin septembre vous semble une date raisonnable ?
Je n'ai jamais dit ça. J'ai dit que nous organiserions les législatives après la saison des pluies. Je ne peux pas donner de date mais ça sera avant la fin de l'année.
 Que répondez-vous à l'opposition, qui vous accuse de vouloir manipuler le scrutin ?
Je ne me suis pas battu pendant cinquante ans dans l'opposition et souffert pendant vingt ans de scrutins truqués pour organiser des élections frauduleuses. J'ai une image à défendre, les gens attendent de moi que j'organise une élection transparente. Et quand on parle de l'opposition, il y a un fond d'escroquerie. Ce sont tous d'anciens premiers ministres, des cadres qui ont amené le pays où il en est : un pays en lambeaux.
Le problème n'est pas celui des élections, mais de m'empêcher de travailler parce que tout le monde voit ce que j'ai fait en quinze mois malgré toutes les difficultés. Depuis que je suis président je n'ai pas reçu un euro d'aide budgétaire de la France. Malgré cela, grâce à l'acceptation du peuple et des syndicats, les transformations sont en cours.
 Alors pourquoi le pays tarde-t-il à décoller ?
Ma politique est de produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons. Nous avons réussi sur le plan macroéconomique : mon ministre des finances, Yansané Kerfalla, vient d'ailleurs d'être désigné meilleur ministre des finances africain de l'année. Mais ça ne se sent pas encore dans le panier de la ménagère.
Un exemple : j'ai obtenu 700 millions de dollars - 558 millions d'euros - de la société minière Rio Tinto, mais le FMI est venu et m'a dit "vous ne pouvez dépenser que 100 millions parce que sinon vous allez augmenter la masse monétaire et créer de l'inflation". Je vais donc financer à hauteur de 120 millions de dollars une partie de la construction du barrage de Kaleta au lieu de faire appel à des financements extérieurs, et 250 autres millions ont été mis sur un compte pour des investissements.
Le FMI m'a demandé de ramener, en un an, le déficit budgétaire de 13 % du PIB à 2 %. C'est du jamais-vu. Pourtant, nous avons mis au point un programme pour y parvenir et peut-être obtiendrons-nous l'annulation de 2,4 milliards de dollars de notre dette ainsi que celle du Club de Paris. Ainsi, nous pourrons travailler et nous aurons accès à des financements. Les investisseurs sont prêts, ils attendent.
 Propos recueillis par Christophe Châtelot
Transmis par le Bureau de Presse de la Présidence

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