Annonce d’une date pour le second tour, soutien de la communauté internationale, engagement à former un gouvernement d'union nationale... En théorie, les conditions semblent réunies pour résoudre l’imbroglio de la présidentielle. Cellou et Alpha vont-ils s’entendre pour une élection dans la paix et la dignité, malgré le différend qui les oppose sur la Ceni ? Rien n'est moins sûr...
Le train de la démocratie est-il à nouveau sur de bons rails ? Depuis l’annonce, le 5 octobre, de la date du second tour de l’élection présidentielle, fixée au 24 du même mois, les voyants sont apparemment repassés au vert. D'autant que le 12 octobre à Conakry, en présence du le ministre d’État secrétaire à la présidence, Tibou Kamara, les deux finalistes se sont engagés à appeler au calme leurs partisans et à former un gouvernement d'union après l'élection. Mais la situation reste tendue, comme l'ont montré les violences perpetrées par des éléments de la garde présidentielle au siège de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), dans soirée de mercredi dernier.
Tandis que le général Sékouba Konaté reste déterminé à « réconcilier » les camps de Cellou Dalein Diallo et d’Alpha Condé (arrivés en tête du premier tour avec respectivement 43 % et 18 % des voix), la communauté internationale multiplie les messages de soutien en direction du président de la transition. Maintes fois accusé de saboter le processus, Jean-Marie Doré, le Premier ministre, dit attacher la plus grande importance à la réussite du scrutin. Et le redémarrage de la campagne ne devrait pas tarder.
Ce n’était pas gagné : après le sprint qui a conduit à l’organisation de la première manche, le 27 juin, cinq mois à peine après la signature, le 15 janvier, de la Déclaration conjointe de Ouagadougou confiant la transition au numéro trois du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, junte), le processus s’est brutalement interrompu. Et les attaques se sont multipliées. Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Conseil national de transition (CNT), vainqueurs du premier tour, chef du gouvernement, président intérimaire… tout le monde en a pris pour son grade. Mais aujourd’hui, si la situation reste tendue, elle ne paraît plus désespérée. L’avenir est entre les mains de Konaté, des finalistes du premier tour et de la Ceni.
« La réussite de la transition ne dépend pas de moi uniquement. Chacun doit y mettre du sien », confiait Sékouba Konaté à J.A. le 7 octobre dans la soirée. Plutôt détendu, le « Tigre » se réjouissait de la visite, le matin même, dans sa résidence privée de Taouyah, de plusieurs représentants de pays étrangers et d’organisations internationales. « Les ambassadeurs sont venus m’encourager. Et le Fonds monétaire international promet d’aider la Guinée dès qu’il y aura un président élu. Voilà pourquoi j’incite l’armée à soutenir la démocratie et prie Cellou et Alpha de s’entendre. Ce que je veux maintenant, c’est les rencontrer ensemble et les amener à s’engager solennellement à travailler main dans la main, quel que soit le vainqueur. » Un message qui semble avoir été entendu. Du moins pour l'instant.
Message aux troupes
Car il reste à savoir si Cellou et Alpha accepteront de mettre en oeuvre leur « accord du 12 octobre », malgré leur désaccord sur la Ceni. Pour le « Tigre », qui se défend d’être responsable de la dégradation du climat et des cafouillages dans le processus électoral, ils n’ont pas d’autre choix. Le problème de l’armée étant en partie résolu, la stabilité du pays est désormais entre leurs mains. En quelques mois, plusieurs camps militaires ont été rénovés ou construits, et Konaté veille à maintenir le contact avec les troupes, qui s’habituent peu à peu à l’idée de confier le pouvoir à un civil.
Le 4 octobre, il a présidé une réunion avec plusieurs officiers. Ensemble, ils ont préparé des communications sur les avantages de la démocratie, qui seront présentées dans les casernes par les commandants d’unité. Le message est le suivant : sans élection, la Guinée ne bénéficiera d’aucune aide financière et les conditions de vie des militaires ne pourront jamais s’améliorer. « Je fais de mon mieux pour rallier l’armée à la cause de la démocratie », assure celui qui, à l’instar des agents de la garde présidentielle, a troqué son béret rouge pour un vert, « sur le conseil de la communauté internationale, qui estime qu’après le traumatisme du 28 septembre [2009], la vue des bérets rouges n’était pas rassurante pour la population ».
Aussi discrètes qu’elles soient, les initiatives du général sont saluées. À la fin de septembre, il s’est entretenu avec le président français, Nicolas Sarkozy, qui l’a encouragé à poursuivre sa mission et l’a assuré que la France l’accueillerait après la transition s’il le souhaitait ; puis, quelques jours plus tard, avec son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Même soutien de la part des États-Unis, par la voix de Hillary Clinton, la secrétaire d’État, ou de Patricia Moller, l’ambassadrice à Conakry.
Blaise pas à l’aise ?
Une ombre au tableau toutefois : le médiateur Blaise Compaoré se montre peu enclin à rappeler à l’ordre les différents acteurs de la transition, qu’il préfère laisser prendre leurs responsabilités. Selon un proche du dossier, le président burkinabè a « peur de jouer son image et sa crédibilité ». « Faux, rétorque un diplomate africain. Il a dénoué des affaires bien plus compliquées et entretient des contacts réguliers avec les parties concernées. »
En attendant, la création d’un « Comité de suivi et d’évaluation des actes préparatoires du second tour de l’élection présidentielle » a été rendue publique le 7 octobre. Elle faisait partie des recommandations de la commission ad hoc (comprenant des représentants du CNT, du Conseil économique et social…), chargée d’examiner le déroulement du premier tour. D’après le texte officiel, sa mission sera de « suivre, d’évaluer et de s’assurer de l’effectivité des tâches accomplies et de celles à accomplir », mais « sans exercer les attributions de la Ceni ». Ce comité sera présidé par le général Ali Traoré, représentant de Blaise Compaoré.
La nomination de deux nouveaux membres au sein de la Ceni a été annoncée le même jour. Mgr Albert Gomez, évêque de l’Église anglicane et deuxième vice-président du CNT, et Me Amadou Salifou Kébé remplacent respectivement Ben Sékou Sylla, président de la Ceni, décédé le 14 septembre, et Me Abass Bangoura, démissionnaire.
Apprécié pour son intégrité, Mgr Gomez est pressenti pour diriger la Ceni. Encore faudra-t-il que l’élection de Louncény Camara – dans le collimateur de Cellou Dalein Diallo et de ses alliés, qui lui reprochent de militer en faveur d’Alpha Condé – soit annulée et qu’un nouveau scrutin soit organisé. Ce qui pourrait aboutir, par réaction, à une radicalisation de l’Alliance arc-en-ciel de Condé, et entraîner de nouveaux blocages.
Camara est par ailleurs sous le coup d’une plainte de l’Union des forces démocratiques de Guinée, le parti de Diallo, qui l’accuse d’avoir subtilisé 109 procès-verbaux lors du premier tour de la présidentielle. Son audition par la justice, prévue le 7 octobre, a été reportée au 21.
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