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lundi 7 mai 2012

En finir avec le néo-colonialisme et la « Françafrique »

Interview de Patrice Finel du Front de Gauche - Patrice Finel, au nom du Front de Gauche, a accordé à Afrik.com un entretien sur sa vision des rapports entre l’Afrique et la France. Des paroles claires pour un projet politique nouveau. Il est intéressant d’entendre ces prises de position au lendemain de l’élection de François Hollande à la Présidence de la République française.
Afrik.com : Qu’est ce que l’Afrique évoque pour vous et quels sont vos rapports avec ce continent ?
Patrice Finel : L’Afrique c’est d’abord une grande histoire commune, c’est d’abord des occasions perdues, à la Libération, par la bêtise et la convoitise des colons et des grandes entreprises qui ont voulu continuer à exploiter les richesses sans donner l’égalité aux hommes.
C’est ensuite une fausse décolonisation, cinquante ans après les décolonisations africaines, les espoirs de développement et de construction de sociétés démocratiques, souveraines, solidaires et égalitaires n’ont pas été réalisés. La responsabilité historique du capitalisme européen est engagée, pour toutes les entraves qu’il a mis au développement de l’Afrique, de l’esclavagisme qui a déstructuré les sociétés africaines, jusqu’au colonialisme et aux politiques impérialistes qui ont organisé le pillage des ressources et formaté l’activité économique de l’Afrique pour les seuls besoins des entreprises multinationales.
C’est maintenant un espoir, qu’avec le Front de Gauche nous puissions construire enfin une histoire commune.
Le continent africain dispose d’innombrables richesses, naturelles et minérales, en plus de la jeunesse de sa population et de sa vitalité démographique, le Front de Gauche veut engager la France dans un processus de révolution citoyenne qui marquera une rupture avec le productivisme et rendra au peuple ses droits dans le cadre d’une société solidaire, ouverte et internationaliste. Avec les « révolutions citoyennes » qui naissent sur le continent, et en soutenant les associations des sociétés civiles, les mouvements sociaux et partis progressistes qui résistent au libéralisme, nous aurons l’opportunité historique de donner un nouveau cours, tant en France que dans les pays africains, à un processus d’émancipation que nous pourrons bâtir en commun afin d’en finir avec la surexploitation économique et l’obstruction politique et déconstruire le multi-interventionnisme néo colonial.
Afrik.com : Selon la Banque mondiale et le FMI, au cours des 15 prochaines années, la croissance annuelle des pays africains sera supérieure à 5% par an. Dans les pays occidentaux, les prévisions sont plutôt moroses. Qu’en pensez-vous ?
Patrice Finel : La banque mondiale et le FMI sont deux piliers de l’ordre libéral mondial que nous contestons. Nous contestons ce calcul d’une pseudo-croissance qui fait fi des besoins humains, des dégradations de l’environnement, de la déforestation et de l’épuisement des sols. Cette pseudo-croissance va bénéficier à qui ? Aux élites de régime autoritaire et corrompu et aux entreprises multinationales, notamment françaises qui exploitent le continent. Nous sommes en faveur de l’utilisation de l’indice de développement humain (IDH) qui mesure beaucoup mieux la réalité de la vie des peuples.
Afrik.com : L’affaire dite des "biens mal acquis" concernant Denis Sassou Nguesso du Congo, Teodoro Obiang Nguema de la Guinée équatoriale et le défunt président gabonais Omar Bongo Ondimba progresse malgré un manque de soutien politique français. Qu’en pensez-vous, au Front de Gauche ? Patrice Finel : Dans notre document programmatique : « Pour une nouvelle politique entre la France et l’Afrique », nous nous prononçons clairement : « Nous mènerons une politique de dénonciation et de lutte contre les biens mal acquis par les dictateurs et leurs familles sur le sol français. Les pratiques de corruption dans les affaires commerciales et le financement de la vie politique française seront également bannies. » Mais il faut aussi contrôler les « corrupteurs », nous proposons : « Pour en finir avec le scandale des paradis fiscaux et judiciaires qui permettent, par le biais de grands contrats, militaires ou industriels, l’évasion de sommes colossales, (« commissions » de toutes sortes, « biens mal acquis » …), la France agira avec détermination au niveau européen et international pour : - établir la traçabilité des transactions financières et la transparence des mouvements de fonds et des patrimoines ; - lutter contre l’impunité en renforçant la coopération judiciaire et fiscale entre Etats, en favorisant un espace judiciaire européen doté d’un pôle financier ayant accès au secret bancaire. » En attendant on peut s’étonner qu’il n’y ait que les trois personnes que vous citez qui soient concernées, qu’en est- il de M. Biya du Cameroun ou de la fortune de M. Ouattara gérée par sa femme ! De plus, je trouve curieux que l’enquête avance surtout sur la Guinée équatoriale, pays ou la France a peu d’intérêt et soit en panne pour le Congo Brazzaville ou le Gabon ! Pour notre part, nous pensons qu’il faut être implacable avec tous ces corrompus et leurs corrupteurs !
Afrik.com : Les pays africains sont des pays dont la population est jeune et cette jeunesse ne supporte plus les relations générées par la Françafrique. Comment pensez-vous redorer l’image de la France auprès de ces jeunes Africains, notamment dans les pays francophones ?
Patrice Finel : Nos orientations permettent de nous rassembler. Le Front de Gauche propose une inversion des priorités et s’engage à mener une nouvelle politique de la France avec le continent africain. Le Front de Gauche veut engager la France dans un processus de révolution citoyenne qui marquera une rupture avec le productivisme et rendra au peuple ses droits dans le cadre d’une société solidaire, ouverte et internationaliste
Nous voulons en finir avec le néo-colonialisme et la « Françafrique », et la première des ruptures consiste à réintégrer la politique entre la France et les pays africains dans le cadre normal de la politique internationale de la France : fin du « domaine privé » du président de la République, débat et vote au Parlement des orientations stratégiques et de la mise en œuvre de cette politique. La deuxième rupture est le choix délibéré de contribuer au développement des pays africains plutôt que de renforcer par notre présence militaire le maintien au pouvoir de dictateurs à la solde de l’impérialisme français. La troisième rupture est celle de la non-ingérence et du respect des identités et des cultures : nous ne chercherons pas à imposer notre conception de la démocratie et du fonctionnement de la société mais nous soutiendrons toute innovation progressiste visant l’émancipation humaine. La France s’engagera dans un partenariat d’égal à égal avec les pays africains : appui à la définition d’un modèle de développement centré sur le social et l’écologique, à la redéfinition d’un modèle démocratique réel et des conditions concrètes du fonctionnement démocratique, et à la création d’un marché africain protégé permettant un développement autocentré et des échanges équilibrés avec le marché mondial.
Nous participerons au transfert de technologie et aiderons au développement d’une industrie de transformation sur place à partir des ressources agricoles et minières, pour sortir de l’économie de rente et de pillage, et de la dépendance aux exportations industrielles des pays du Nord.
Afrik.com : Nicolas Sarkozy avait fait beaucoup pour l’image de la « diversité » en nommant des exemples issus de l’immigration à des postes importants de son gouvernement (Rama Yade, Rachida Dati, Fadela Amara, …). Quel est votre avis et que pensez-vous de la discrimination positive et de ce qui s’y réfère ?
Patrice Finel : Comme vous le dites ! Pour l’image ! Mais ce qui compte ce sont les orientations mises en œuvre ! Et là, la discrimination que ce soit pour le logement, l’emploi, n’a jamais été aussi grande, les contrôles au faciès, la limitation du droit d’asile, les traitements inhumains pour le renouvellement des papiers, la véritable fabrication de sans-papiers, voila la réalité !!! Quelques figures dévoyées n’y changent rien ! La discrimination est avant tout sociale et donc géographique. C’est donc la bataille pour l’égalité qui est centrale.
Afrik.com : Que pensez-vous de la manière dont les thèmes religieux ressurgissent actuellement dans le débat politique ?
Patrice Finel : De tout temps, pour masquer ses responsabilités, pour poursuivre et aggraver l’exploitation et les inégalités, la droite a cherché à agiter et susciter d’autres conflits et fractures. C’est l’opposition par la couleur, l’origine et maintenant la religion. La droite française reprend pour notre pays la supercherie américaine dit « du choc des civilisations » pour justifier la domination de l’impérialisme américain. C’est un rideau de fumée visant à détourner l’attention des vrais problèmes qui sont économiques et sociaux.
Afrik.com : L’homme africain est-il "entré dans l’histoire" d’après vous ?
Patrice Finel : Si je crois les spécialistes de la préhistoire, l’homme africain a été le premier à rentrer dans l’histoire puisqu’il semble que c’est notre ancêtre ! La France n’est pas un pays occidental mais un pays universaliste, l’Afrique a une riche histoire et de nombreuses cultures, aujourd’hui occultées par l’idéologie dominante. En Afrique comme en France l’homme va entrer dans l’histoire en faisant la révolution citoyenne et en plaçant l’humain au cœur de la civilisation et non la finance.
Afrik.com : Qu’avez-vous à dire aux Français d’origine africaine ?
Patrice Finel : Comme à tous les citoyens : Prenez le pouvoir ! Venez construire notre histoire commune, la France est à vous !
lundi 7 mai 2012
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