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mardi 25 juin 2013

Michel Camdessus: “L’Afrique peut multiplier par 6 ses revenus par tête, d’ici à 2050”

Michel Camdessus
Michel Camdessus
Michel Camdessus
Michel Camdessus
En marge du 4e Forum des marchés africains émergent, l’ancien directeur général du Fmi s’est prononcé sur plusieurs questions relatives au développement du continent noir. Que peut apporter de nouveau ce forum dans le débat sur le développement de l’Afrique ? Il n’y a pas de développement véritable si les sociétés ne savent pas où elles vont. Il est donc tout à fait important, de temps en temps, de s’arrêter et d’essayer de voir quel objectif l’on peut s’assigner. Nous avons trouvé cela tellement important que nous avons proposé à l’Inde, la Chine, l’Asie, dans son ensemble, à l’Amérique latine, de faire pour eux, des études, sur le long terme. Nous avons fait, par exemple, une « Inde 2039 », un Mexique « 2040 ». Vu l’utilité de ce travail et l’affinement de nos méthodes de prévision, nous avons pensé qu’on pourrait pousser ce travail jusqu’à 2050. C’est ainsi qu’à la demande de l’Union africaine, nous avons proposé un document qui a été distribué ici, qui s’appelle « Afrique, vision 2050 ». Et là, en utilisant les meilleurs instruments de prévision, nous avons établi une série de scénarios et essayé de privilégier celui qui, tout en étant ambitieux, nous a semblé le plus réalisable. A condition, évidemment, que les gouvernements africains acceptent de tenir leurs promesses, en ce qui concerne l’ouverture de leur économie. Mais aussi, les politiques d’investissement, les politiques de santé, d’éducation, de formation professionnelle. Et sur ces bases-là, nous avons donc proposé cette vision pour l’Afrique, qui est extrêmement enthousiasmante.
Comment ? Puisqu’elle montre qu’à partir des ressources actuelles de l’Afrique, humaines et naturelles, l’Afrique peut multiplier par six , ses revenus par tête, d’ici à 2050. Elle peut réduire la pauvreté à 50 millions de personnes, alors qu’il y en a, à ce jour, plus de 300 millions dans la pauvreté. Et, en plus, elle peut atteindre 9% de la production mondiale, d’ici à 2050, contre les 3% qu’elle produit aujourd’hui.
Il était donc important de mettre ce document entre les mains des Chefs d’Etat africains, à travers l’Union africaine. Et de leur dire aussi ce que cela implique pour eux. C’était essentiellement notre travail.
Beaucoup de choses ont été dites. Si l’on devrait retenir une seule idée du Forum, qu’est-ce que cela devrait-être ?
C’est la confiance dans la capacité de l’Afrique à améliorer le sort de sa population. A condition, évidemment, qu’elle commence par maîtriser sa croissance démographique, travailler à donner des emplois de qualité à ses jeunes, améliorer leur éducation, notamment, celle des filles. Et à améliorer la formation professionnelle dans le cadre de l’intégration régionale. Parce que si les pays africains, qui, de façon générale, sont de petite taille, ne s’intègrent pas régionalement, ils n’arriveront pas à trouver des marchés à la mesure de leurs populations. Et donc, ce que nous disons à l’Afrique, c’est qu’elle peut avoir confiance en elle-même. Et qu’il n’y a de richesse que d’hommes et d’hommes bien formés. A condition de s’entendre, de s’ouvrir et de s’intégrer pour profiter pleinement des opportunités que lui offre la mondialisation. Il y a aussi une dernière condition : il faut, en coopération avec les pays du G8, qu’elle cesse de se laisser exploiter. Il faut qu’elle cesse de se laisser spolier de ses ressources naturelles, par des mécanismes d’opacité, de trafics illicites, qui font que les ressources qui pourraient être employées à l’amélioration de la condition humaine en Afrique, vont se disperser on ne sait où.
En Afrique, on pense également qu’il n’y a pas que les grandes entreprises qui spolient ce continent de ses ressources naturelles. On se dit même que celui-ci, en se développant, peut se positionner comme un adversaire, face au monde développé. Du coup, on se demande comment l’Afrique peut se développer sans forcément gêner l’économie du monde déjà développé, qui, en plus, ne se porte pas très bien, en ce moment ?
Non ! C’est plutôt l’inverse. Le monde développé n’a pas à craindre le développement de l’Afrique. La pire catastrophe pour l’Europe, ce n’est pas la concurrence de ce continent. Mais plutôt une Afrique qui ne se développe pas. Et qui reste coincée dans la misère. Une Afrique qui, au lieu de bénéficier de son urbanisation, pour améliorer les conditions de vie de sa population, laisse se développer des villes anarchiques qui ne peuvent être que des lieux de perdition. A cet égard, le monde entier a tout intérêt à ce que l’Afrique, avec toutes ses entreprises, petites, grandes ou moyennes, se développe, entre dans la compétition.
Vous connaissez très bien la Côte d’Ivoire. Si ce schéma devait s’appliquer à elle, que diriez-vous?
Je dirais bravo à la Côte d’Ivoire. J’ai confiance en elle, au regard des politiques qui sont menées actuellement par son gouvernement et vous avez vu avec quelle promptitude l’ensemble des membres du gouvernement, sont venus suivre ces travaux. Et ce, sous la direction de l’un des meilleurs économistes africains, le Président Alassane Ouattara. Je peux l’affirmer, la Côte d’Ivoire est bien partie.
Interview réalisée par David Ya
Transcription : Casimir Djézou

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