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mercredi 5 juin 2013

Pêche : les chinois profitent mieux du poisson guinéen que les Guinéens

Faut casser la tirelire pour s’offrir du poisson dans un pays (la Guinée) qui a environ 300 km de côtes reconnues très poissonneuses par des spécialistes. Il vous faut environ 400 mille GNF pour un carton de 24 kg. Plus cher que le poisson sénégalais. Pire, le Chinois achète moins cher le poisson pêché dans les eaux guinéennes que le Guinéen. De nos jours, les recettes du ministère de la Pêche proviennent essentiellement de la vente des licences de pêche dont la traçabilité est difficile à mettre à nue. Faute de statistiques fiables en la matière. Cependant certaines études parlent d’un potentiel exploitable de 300 mille tonnes métriques qui profitent, selon nos enquêtes, plus à l’Etranger qu’à la Guinée. L’année dernière, en Chine, le ministre guinéen de la Pêche, Moussa Condé ‘‘Tata Vieux’’ a signé un accord de deux ans portant sur 30 bateaux de pêche pour un montant de trois millions de dollars. Selon nos informations, en plus des facilités fiscales accordées, la tonne de poisson s’échangerait à moins de 20 dollars US (140 mille GNF) dans cet accord. Il faut trois à quatre fois cette somme pour trouver 24 kg de poisson sur nos marchés. Mais ceci n’est pas une invention du ministre Condé. Par le passé, dans les accords de pêche (suspendus en 2007, NDLR) entre la Guinée et l’Union Européenne, les redevances annuelles étaient fixées à 25 Euros (un peu plus de 216 mille GNF) par tonne pêchée dans la zone de pêche de la Guinée. Ce qui indigne certains spécialistes : ‘‘On se bat pour vendre le poisson à l’Etranger, pendant qu’on a mieux à gagner en le vendant ici. Tout le monde court après les devises étrangères, cependant le franc guinéen peut bien être converti en devises étrangères et à souhait. Vendre le poisson en Guinée enrichit les opérateurs, crée des emplois et nourrit la population, on y a donc tout à gagner.’’
Quid de la politique nationale de la pêche ?
‘‘Nous avons une politique nationale de la pêche dont l’application nous aiderait à tirer le secteur de son sous-développement. Il vaut mieux faire le développement que se transformer en mareyeur’’, nous lance, amer, un opérateur du secteur. Les objectifs spécifiques de cette politique portent sur la sécurité alimentaire en protéines animales par ‘‘l'augmentation de la consommation de poisson (13 kg/habitant/an en 1996 à 17 Kg/habitant/an en 2007), l’intégration à l’économie du secteur, la création de l’emploi et l’augmentation des recettes du trésor public’’.
‘‘De nos jours, compte tenu de la rareté et donc de la cherté du poisson sur le marché, peu de Guinéens peuvent s’offrir le luxe de consommer 17 kg par an’’, pense notre interlocuteur. Pis, le suivi du ‘‘contrôle surveillance des pêches’’ est sapé par le manque d’équipements. La pêche artisanale, elle, se noie, entre autres, dans des difficultés liées au coût élevé des intrants, à la non détaxation du ‘‘carburant de mer’’ -au Sénégal, ce carburant est détaxé et peut couter jusqu’à moins de 50% du prix officiel. En général les petites et moyennes entreprises (PME) et les petites et moyennes industries (PMI) dans la pêche ne sont pas les chouchous des banques. ‘‘Pourquoi voulez-vous qu’une banque nous prenne au sérieux dès lors que nous manquons d’une bonne politique de la pêche’’ ? S’interroge un patron de PME qui prêche en haute mer, pardon dans le désert pour une politique de subvention de l’Etat en faveur des PME, PMI.
Les établissements de pêche des les mains d’une mafia !
Avec des partenaires au développement, l’Office du développement de la pêche artisanale (ODEPAG) avait réalisé : un chantier naval à Dubréka, des ports de pêche à Bonfi, Téminétaye, Dixinn, Koukoudé, Benty, avec des complexes frigorifiques, entre autres. Des infrastructures qui, utilisées pour le service public, allaient donner un coup de fouet à la pêche en Guinée. Seulement voilà. La plupart a été squattée par des sociétés privées de pêche qui les utilisent au détriment de la population. C’est dire donc qu’un des défis que doit relever Tata Vieux –par ailleurs pris dans le piège du conflit d’intérêt (il est patron de société de pêche et ministre)- est sans nul doute reprendre ces infrastructures détournées par des gourous, pardon des baleines de du secteur. Pas du beurre à couper estime un spécialiste : ‘‘Les sociétés de pêche en Guinée sont dans les mains d’une mafia. Tous se battent pour leurs partenaires chinois, et sont très riches. Donc très puissants.’’
Ibrahima S. Traoré

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