Reçu
en audience par la PDG du service audiovisuel de la France le
mercredi 22 mai 2013, au siège l’institution médiatique française
à Issy les Moulineaux, le responsable de la communication
présidentielle guinéenne a échangé des propos avec des
journalistes de l’association de la presse panafricaine de Paris…
«
Il faut en finir avec les clichés »
Quel
est l’objet de votre visite auprès de la PDG du service
audiovisuel extérieur de la France, Marie Christine Saragosse ?
Au titre de
conseiller spécial du président, en charge de la communication et
des questions de prospective, en mission en France, il était utile
pour moi, de rendre visite à la « patronne » des médias
publics extérieurs français, pour échanger avec elle, sur les
questions de communication et l’actualité concernant la France et
la Guinée. Pendant dix années, en tant que journaliste, j’ai
travaillé dans les mêmes structures, CFI, RFI, TV5 notamment avec
la célèbre émission « Afrique presse » que vous
connaissez. J’ai gardé beaucoup de contacts et d’amis ici, dans
la presse, outre les questions institutionnelles, il était important
d’éclairer mes interlocuteurs et échanger avec eux sur les sujets
concernant la couverture de l’actualités africaine et guinéenne,
à un moment où l’on parle d’une Guinée dont l’image ne
serait pas meilleure. Comme vous pouvez imaginer, j’ai eu des
échanges fructueux avec des principaux éditorialistes de la presse
française, même si les gens ne sont intéressés quant il s’agit
de l’Afrique, que par des régulations chaudes, les crises etc.
Vous
êtes venu améliorer l’image de la Guinée auprès des médias
français ?
Médias
français, le terme est trop générique et recouvre des réalités
différentes. En fait, je me rends compte, ce n’est pas un
problème d’image, mais de perception, c’est totalement
différent. Dans un contexte comme celui de la France, vous ne pouvez
rien dire, que les gens ne puissent vérifier, il faut convaincre par
les faits, le temps de la propagande est fini. Pour moi, il s’agit
notamment de rappeler qu’aujourd’hui, la Guinée est un pays
ouvert et démocratique, donc la parole est libre, parfois excessive.
Certains interlocuteurs me regardent avec des grands yeux, lorsque,
ils découvrent le nombre de radios, journaux et télévisions
existant en Guinée, qui informent et critiquent en temps réel, il n
y a plus de place pour l’opacité, les forces de sécurité
guinéenne elles mêmes, communiquent sur la gestion des
manifestations publiques et ses conséquences parfois regrettables…
Avez-vous
le sentiment que la Guinée est mal présentée à l’extérieur ?
Ecoutez, il
y a un premier problème général : les médias internationaux,
lorsqu’il s’agit de l’Afrique, ne s’intéressent parfois
qu’aux choses qui ne marchent pas, les bonnes nouvelles n’ont pas
toujours de clients, des lecteurs ou d’auditeurs, il est difficile
de vendre le bilan d’un gouvernement, fut-il positif. Par contre,
tout ce qui concerne les violences, drames, etc., il y a un public
pour cela. Mais à la vérité, ce n’est pas un exemple uniquement
africain, regardez, l’Eglise ou la Grande Bretagne, on ne parle
d’elles que pour les scandales sexuels, la face cachée du Vatican
ou les frasques de la famille royale britannique. Il y a un siècle,
la Grande Bretagne possédait la moitié de la planète, l’Eglise a
fait un travail dans l’histoire de l’éducation, la formation ;
les musulmans sont restés trois siècles en Sicile, sept siècles en
Andalousie. Qu’est-ce qui attirent certains médias aujourd’hui,
les bombes humaines, la charia, la polygamie, etc.
Tout
va donc bien en Guinée ?
Ce serait
une conclusion inappropriée. Mais il faut le reconnaitre, des
progrès énormes ont été accomplis en matière politique et de
gouvernance économique. Vous connaissez, un pays démocratique ou
tout va bien, vous ? J’affirme, ce qui n’est pas acceptable,
que la Guinée soit essentiellement vu sous le prisme des critiques
de deux ou trois opposants dont certains d’ailleurs, sont
comptables de la situation dans laquelle le pays se retrouve
aujourd’hui. Depuis 2010, le pays a enregistré sa première
élection présidentielle réellement concurrentielle, un scrutin à
deux tours, sous supervision internationale, les reformes
économiques ont permis de sortir le pays du néant économique. De
45 milliards de francs guinéens à la prise du pouvoir par l’armée
en 1984, l’endettement du Trésor envers le système bancaire est
monté à 137 milliards à fin décembre 1999, à 274 milliards en
2001 pour culminer à plus de 2000 milliards en 2006. La transition a
porté ce montant à 3449 milliards de francs guinéens en 2009 et
6433 milliards à fin décembre 2010.
Aujourd’hui Le déficit
budgétaire est substantiellement réduit.
Cette réduction a mis fin à l’usage de la planche à billets, ce
qui conduit à une réduction sensible du taux
d’inflation. Le taux de change du franc guinéen
s’est lui-même stabilisé, le pays a atteint
le point d’achèvement de l’initiative PPTE (Pays pauvres très
endettés) alors que la précédente équipe a mis 10 ans sans
l’atteindre.
Il y a
tout de même des marches et manifestations qui engendrent la
violence…
Notez tout
de même que ce sont des marches autorisées et non interdites, au
cours desquelles, les morts et blessés se trouvent malheureusement
des deux côtés (manifestants comme des forces de l’ordre),
puisqu’on oublie de le dire, ce n’est pas l’armée, mais la
police et la gendarmerie qui assurent le maintien de l’ordre avec
des outils de sécurité appropriés comme à Paris. Vous avez eu
l’image de ces jeunes gendarmes tués avec des tiges de fers
lancées par des frondes. Il y a plein d’exemple de violences
orchestrées aussi par certains manifestants inconnus. Ces marches
prennent leur départ d’un seul quartier, favorable à un des chefs
de l’opposition, le reste du pays refuse la violence, il n’y a
pas de manifestations ailleurs. Vous savez que si la loi anticasseurs
était appliquée régulièrement, certains leaders politiques se
retrouveraient en train de répondre de leurs actes devant la
justice. Comme du reste, tous ces propos diffamatoires tenus contre
des responsables politiques en exercice. Les gens agissent comme si,
il y a d’un côté ceux qui ont droit, de l’autre, ceux qui
n’ont que des devoirs.
C’est
ce que vous êtes venu dire à Paris ?
Non, je
réponds à votre question. Je suis venu attirer l’attention des
décideurs sur la nécessité d’un traitement équilibré de
l’information qui repose sur l’esprit de liberté et de
responsabilité, je n’ai pas à parler à la place des hommes
politiques. Mais je dis toujours, en politique, comme en
communication, il ne faut rien minimiser, il ne faut rien exagérer.
Le pays a besoin de cohésion sociale, d’esprit de responsabilité,
dans une période ou une instrumentalisation de la conflictualité
inter communautaire, peut engendrer des crises. Pour le reste, seuls
les peuples querelleurs ont une histoire intéressante, les Guinéens
sont passionnés, le plus important, que cette passion ne s’exerce
au détriment de l’intérêt national.
Êtes-vous
satisfait de la couverture de la Guinée par la presse
internationale ?
Cette
question peut s’adresser à la fois au journaliste, comme au
communicant. Pour parler principe, je dirai, le plus important, c’est
la liberté d’expression qui s’exerce dans un cadre légal et
réglementaire. Une couverture médiatique dépend d’abord de
l’émetteur de l’information qui peut être en desk à
l’extérieur, un envoyé spécial ou un correspondant. Parfois le
desk est trop loin, le correspondant lui est très proche, le nez sur
le guidon, plus exposé aux pressions du terrain. Et souvent les
maisons mères sont décrochées de leurs correspondants qui peut
constamment « boutiquer » l’information comme on dit au
Congo, pour des raisons personnelles, communautaires ou idéologiques.
Il y a une insuffisance de couverture, puisque, souvent, des journaux
sérieux recyclent des écrits collectionnés sur le net ou par des
partis politiques. Ou par des agitateurs de fin de semaine qui ont
constamment besoin de « noircir » un pays, pour s’offrir
une légitimité extérieure. Quel crédit peut- on accorder à un
journaliste qui couvre une marche, au fond de la voiture d’un homme
politique ; Ou une organisation de défense des journalistes qui
a pour représentant local, un journaliste proche d’une formation
politique. Il y a un problème d’information, une faiblesse
d’enquête ou cette forme d’exercice du métier qui consiste à
penser que l’on est crédible uniquement, lorsqu’on s’attaque
au pouvoir en place ! Le péché vient du fait que certains
acteurs de la presse internationale, sur-dimensionnent parfois, ce
qui leur parait négatif, y compris en Guinée et au contraire,
sous-estiment ce qui est positif. La question du changement n’est
pas souvent mise en avant en Guinée, certains reportages se
nourrissent de clichés comme le déterminisme de la violence ou les
questions ethniques et communautaires. Il faut aussi être juste, il
y a des journalistes qui font leur travail correctement…
Propos
recueillis par Fréderic Clémenz
Transmis
par le Bureau de Presse de la Présidence
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire