Les
manifestations dites pacifiques n’en sont pas. Pire, tout porte à
croire que les violences qui les accompagnent ne sont pas spontanées.
Pour s’en convaincre, lisez ce témoignage d’un journaliste* travaillant
pour la presse étrangère et qui, le plus souvent, est dans le feu de
l’action. Edifiant.
ça sent l'alcool!
Carrefour concasseur, 25 avril dernier. Les forces de l'ordre se sont
retirées de tous les autres points habituels de postes de contrôle. Une
unité de gendarmes et de policiers est maintenue au siège du RPG à
Hamdallaye. Les jeunes forment des ilots de présence devant quelques
boutiques, habitations et la station-service Total. Cellou Dalein vient
de passer. Tout change. La masse s'étoffe au fil des minutes. Les radios
jouent un grand rôle dans la mobilisation. Apparemment les comptes
rendus en direct encouragent les indécis à se joindre à la marche. Les
antennes des transistors sont visibles partout. "Cellou est à Bambeto"
annonce la radio. Les femmes entonnent les premières chansons à l'autre
bout de la rue. Les enfants commencent à se déverser dans la rue. Ils
commencent à titiller les agents de sécurité autour du siège du parti au
pouvoir. Des folies verbales s'expriment. Le nom du président et de son
parti sont dans chaque phrase. Des insolences les accompagnent. C'est
la liberté, le défoulement. L'impuissance du président à résoudre en
deux ans les préoccupations primaires des Guinéens est montée en
épingle. Pour la foule, Alpha Condé est l'auteur des 7 péchés originels
de la République. La raison n'a pas sa place ici. La masse est devenue
compacte. Je me crois dans un bar. L’odeur de l’alcool est saisissante
et étourdissante. Il file entre les doigts une fumée qui n’est forcément
pas celle d’une cigarette ordinaire. Cela se fait devant les longues
barbes des vieux en caftan court. Ils affichent une indifférence qui
ressemble à une caution à ces actes. Des jeunes et enfants surexcités
pour qui toute âme sensible a de la compassion.
Les gosses prononcent des mots graves dont ils ne mesurent pas les
poids. Certains donnent le sentiment d'apprendre à insulter et
stigmatiser. Ils sont nombreux et semblent s'amuser dans la rue. Un
moment de liberté et de folie d'enfance pour eux. Ce jour, j'ai eu
l'impression que les parents, dans la foule pour certains, sont moins
stricts sur les conduites à tenir. Les jeunes filles aussi sont là. En
culotte ou en pantalon jean serré, elles marchent parfois tenues par des
jeunes qui veillent sur elles, certaines sont sur des motos.
Le journaliste vient tôt pour se chercher des ‘‘amis’’
Dans cette foule de plus en plus compacte, il y a des jeunes qui
invectivent les forces de sécurité. Ce sont des caïds du secteur. Ils
ont leurs hommes à des points stratégiques. Ils organisent de petits
réseaux, donnent des instructions, reçoivent des coups de fil, crient,
montent et descendent. Les hommes agités leur obéissent. A n'en pas
douter, ce sont des seigneurs de la terreur. Selon certaines
indiscrétions, ils sont des grands bandits connus dans le secteur. A la
faveur des marches, ceux qui les connaissent sont rassurés par leur
présence. En cas de danger, ils sont capables d'organiser la résistance.
Certains journalistes jouent bien le jeu. Pour opérer en toute
tranquillité dans ce "domaine de non droit", ils viennent tôt pour
comprendre la sociolgie du secteur, identifier les réseaux influents et
établir une complicité de circonstance.
A la phase cruciale de la marche la stratégie marche. Le cortège des
leaders est annoncé. Les pas s'accélèrent. L'on se bouscule! Certains
ralentissent le pas au niveau du siège du RPG. Des accusations fusent:
"il y a des loubards cachés devant". Des gestes et injures verbales sont
adressés aux agents. Quelques minutes après, le premier jet de pierres
commence (les pierres selon nos enquêtes sont amassées dès l’aube par
des femmes et vieilles personnes ‘’recrutées’’ à cet effet, NDLR). Une
pluie de projectiles est lancée. Notre réseau d'amis nous met à l'abri.
Les agents de sécurité réagissent par gaz lacrymogène. La foule recule
et se reconstitue aussitôt. Des frondes sortent de la foule. On jure de
détruire le siège du RPG. Les agents chargent à nouveau. La foule
comprend leur hésitation et fonce à nouveau. En un mouvement quatre
actions, les agents changent de stratégie ils montent dans leurs
véhicules et se dirigent vers les jeunes manifestants déchaînés. C'est
la débandade. Un jeune est heurté par le véhicule militaire.
L'évacuation est rapide. La foule est davantage excitée. Des policiers
paniquent. Des crépitements d'armes automatiques sont entendus. La
sécurité commence à reprendre le contrôle. Tout le monde cherche sa voie
dans le quartier. Le gros des protestants se retrouve au stade pour
célébrer la bravoure de ceux qui ont défié les forces de sécurité. Les
leaders politiques encensent les jeunes.
‘‘Je suis journaliste’’, ‘’On s’en fout’’ !
Une semaine avant, votre témoin est pris dans un piège. Nous sommes
le 18 avril. L'opposition décide de marcher sur l'autoroute malgré le
changement d'itinéraire imposé par les autorités. A 9h, des
contre-manifestants se signalent sur la route du Niger autour de la
Casse. Ils avancent dans la rue avec des tambours et esquissent des pas
de danse des hommes forts. Attiré par ce que j’ai pensé être "une belle
image de l'expression du pluralisme d'opinions" en Guinée, j’ouvre
l'objectif de ma caméra. Waaaaa ! La foule fonce sur moi. Elle est armée
de gourdins et de cravaches en caoutchouc. "Je suis journaliste", "On
s'en fout’’, me rétorqua un contre-manifestant qui ajoute : ‘’Nous ne
sommes pas à filmer". La caméra est retirée de force, pendant que deux à
trois autres cherchaient à sauver le journaliste d'un lynchage. La
caméra est conduite dans une voiture stationnée près d'une banque. A
l'intérieur, un monsieur de teint noir, "c'est le chef", laisse échapper
une voix dans la foule. Le monsieur examine l'outil et s'en débarrasse
furtivement pour disparaitre tout de suite après. Il a sans doute
compris que le journaliste trouvait son comportement suspect. Les
populations riveraines volent au secours du journaliste et de sa caméra
qui, du reste, portera des cassures.
Après avoir vu ‘‘ce qui se préparait’’ ce jour, je donnai raison à
l'Autorité d'avoir empêché cette marche sur l'autoroute. Car je pense
qu'il y aurait eu des dégâts graves ce jour, si les marcheurs étaient
arrivés à la Casse.
*Le journaliste a tenu à garder l’anonymat pour ne pas ''se
brouiller'' avec ses ''amis'', car les marches sont encore annoncées.
Focus de Guinee7
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire