Télésud : Donc, les élections auront lieu le 30 juin ?
Rachid Ndiaye : Elles auront lieu le 30.
Ce n’est pas l’avis de l’opposition…
Ecoutez, la loi, c’est la loi. Sur le plan légal, le président signe le
décret et j’observe que c’est la première fois qu’il signe un décret concernant
les élections. Puisque, auparavant, des propositions ont été faites mais il
voulait que toutes les conditions soient réunies avant que les Guinéens
puissent aller à ces consultations populaires.
Donc pour vous aujourd’hui, il est possible d’organiser pour le 30 juin
des élections qui ont quand même pris du temps à être organisées ?
Mais oui, techniquement, c’est tout à fait possible. Mais je vous fais
savoir également que cette élection a eu lieu beaucoup plus tard que c’était
prévu dans le cadre. C’était une volonté commune, parfois des uns et des
autres, que toutes les aspérités figurant dans le processus électoral soient
complètement surmontées. Qu’on mette en place un dialogue qui puisse permettre
à l’ensemble des forces politiques d’arriver donc à des points de convergence,
qui sont des éléments importants concernant le scrutin. Je crois que, comme
vous le savez, le pays a eu un dialogue national qui a eu lieu pendant trois à
quatre mois. Ensuite, l’opposition a estimé qu’il fallait gérer le processus
pour voir beaucoup plus clair concernant la révision des listes électorales,
pas donc le recensement. Tous ces éléments là étaient importants, parce que le
président souhaitait beaucoup plus qu’il soit critiqué dans le timing que sur
la sincérité du scrutin.
Pendant un bon bout de temps, on a considéré que la Guinée en était
arrivée à son année zéro de la démocratie avec l’élection d’Alpha Condé. Mais,
après, on n’a pas compris pourquoi à la suite des élections, il estimait que le
fichier sur lequel il avait été élu n’était pas un bon fichier ?
Oui. En fait, les choses sont un tout petit peu différentes. C’est vrai
que sur le plan du principe, c’est la première fois que la Guinée organise
réellement des élections concurrentielles, libres et pluralistes. Il y a eu des
scrutins avant où il y avait la pluralité, mais je ne suis pas sûr que la
sincérité fût au rendez-vous. Un élément important, c’est quand même de voir
que dans cette élection de 2010, le président sortant n’était pas candidat, ce
qui donnait donc la chance à tous les candidats d’être sur le même pied
d’égalité. Mais à l’issue de ce scrutin, je vous fais quand même remarquer en
même temps qu’entre le premier tour et le second, le pays a mis six mois pour
organiser l’élection présidentielle. C’est pour dire que les aspérités ne sont
pas nouvelles. Ce n’est pas un problème par rapport aux législatives, c’est un
problème général. Parce que, d’un commun accord, aussi bien le gouvernement, la
CENI que le groupe international de contact qui parrainait ce processus,
estimaient que ce n’était pas normal qu’autant de millions de personnes soient
en dehors du processus électoral. Et, le scrutin a eu lieu et je crois qu’un
des éléments importants, c’est de faire remarquer que l’élection du président
n’a jamais été contestée par qui que ce soit. Il y a eu quelques affrontements,
mais qu’on puisse à la fois dire une chose et son contraire… En même temps, la
question est de savoir est-ce qu’il fallait que les élections soient brusquées
ou fallait-il donner la chance à tout le monde de faire prévaloir ses
revendications sur les fichiers et le processus, ainsi de suite. Ce fut un
schéma ininterrompu. Donc, c’est ce qui nous a pris beaucoup plus de temps et,
comme je le disais, le président souhaitait qu’il soit critiqué sur le timing
que sur la sincérité du scrutin. On a mis tout ce temps là, il y a quand même
eu des dialogues. Donc on a eu un débat avec l’opposition où il y avait dix
points de divergences et, dans ces dix points, nous avons donné satisfaction à
huit (8) questions. Les deux questions restant, c’était à la fois le président
de la CENI et le mode de fonctionnement de la CENI. Comme vous le savez, on ne
peut pas demander à la fois au président de respecter l’indépendance de la CENI
et en même temps lui demander de modifier son mode de fonctionnement.
Mais pourquoi n’a-t-il pas pesé de tout son poids pour que dans la foulée,
parce que généralement c’est ce qui se passe quand on organise une
présidentielle, on cherche sur la tendance qui a été celle de la présidentielle
pour faire élire une majorité qui convienne au président de la république ?
Mais telle n’a pas été l’erreur en Guinée Conakry ?
Parce qu’il ne voulait pas brusquer les élections, il ne voulait pas
rentrer dans un schéma….
Est-ce qu’il aurait gagné s’il organisait les élections législatives
dans la foulée des présidentielles ?
Dans la dynamique des présidentielles, ce serait griffer sur les
législatives, puisqu’il a été élu sur la base d’un programme, sur la base d’une
volonté de rupture avec la manière dont le pays était géré jusque là. Mais je
crois que quand on regarde son itinéraire politique, on voit l’antériorité, on
voit aussi l’idéal qu’il a incarné par rapport à l’ancien système, c’est tout à
fait indispensable de prendre toutes les précautions indispensables à la
clarté, à la sincérité de ce scrutin qui pourrait permettre une meilleure
cohésion sociale, une meilleure volonté de regrouper le pays dans le cadre de
l’unité nationale.
On dit souvent des opposants historiques qu’ils ne font pas toujours de
très bonnes présidences. Quelques régressions au Sénégal, on l’a vu un peu en
Côte d’Ivoire avec Laurent Gbagbo. Est-ce que c’est le cas aussi à Conakry ?
Comparaison n’est pas raison, sinon regardez les Guinéens aujourd’hui,
même sur le plan médiatique, vous observez qu’il y a une trentaine de radios
privées qui ne sont pas toujours favorables au gouvernement, quatre à cinq
télévisions privées et, ces radios sont présentes dans le jeu politique. Elles
couvrent l’actualité politique de manière permanente.
Vous ne les fermez pas quand les informations ne vous plaisent pas?
Non, non. Je vous dis que ce n’est pas possible en Guinée. Les Guinéens
ont en idée qu’il faut une société ouverte, démocratique, une société
pluraliste et je crois que ça aujourd’hui c’est un acquis. A partir de
l’acquis, il faut maintenant aller de l’esprit de liberté à l’esprit de responsabilité.
C’est ce qui pose parfois problème parce que, comme vous le savez, les médias
obéissent à des règles de liberté mais aussi de responsabilité. Il y a une
déontologie qu’il faut encore observer, ce qui n’est pas toujours le cas quand
les médias sont les excroissances des forces politiques qui se sont longtemps
illustrés dans la conquête du pouvoir.
Vous parliez de groupe international de contact tout à l’heure. Ce
groupe a laissé la Guinée suivre son corpuscule, l’arrêt de ses activités pour
donner une chance au dialogue. Est-ce que vous pensez que c’est une bonne chose
que le groupe ne fonctionne plus ?
Le groupe a eu son rôle à une période où c’était utile que la
communauté internationale participe au renforcement du processus électoral.
Est-ce que c’est un regret dans le groupe ?
Aujourd’hui, la communauté internationale a été associée disons à la
fois à la reprise du dialogue et à la consolidation du processus. Mais cette
présence n’est pas une question préjudicielle. Il y a quand même un président
élu qui est légitime. Nous ne sommes pas un pays post-conflit. Nous sommes un
pays qui dispose aujourd’hui d’un président élu avec une Assemblée de
transition qui n’a pas été élu mais qui fonctionne et qui joue le rôle
carrément de parlement de transition. Je crois que c’est à partir du moment où
l’opposition a émis un doute sur la sincérité du processus électoral sur le
plan technique, qu’il a été invité à la fois l’Union européenne, l’OIF, le
PNUD, les chancelleries afin que cette communauté internationale soit témoin et
puisse apporter une assistance au
processus pour donner beaucoup plus de gages à ceux qui estiment qu’à n’importe
quel moment du jeu, comme un match de football, on ne peut pas changer de
maillot en plein match. Ce n’est pas possible, il y a des institutions, un
gouvernement et un président qui est élu.
L’autre contestation, vous l’avez probablement déjà entendu et au moins
plusieurs fois, c’est sur les sociétés qui gèrent le fichier électoral, la
nationale et Waymark. Qu’en est-il, vous gardez ou vous changez, sur quelle
base ?
Je vous fais observer que l’opérateur Waymark, qui a une référence
internationale, n’a pas été choisi par le gouvernement. Juridiquement, le
gouvernement n’a pas les moyens de choisir un opérateur. L’opérateur a été
choisi en toute indépendance par la Commission électorale nationale
indépendante qui est l’instance chargée d’organiser les élections. Et, le
contrat avec Waymark, ça va étonner beaucoup de gens, date du 24 juin 2010,
pratiquement six mois avant l’arrivée du président Alpha Condé au pouvoir. Donc
par conséquent, c’est un acte discrétionnaire, pris par une institution chargée
d’organiser les élections et qui a donc choisi cet opérateur avant que le
président actuel n’arrive au pouvoir. Donc par conséquent, il est difficile de
demander à un président de s’ingérer dans une affaire qui relève d’un lien
contractuel entre une CENI et un opérateur électoral, ça c’est une chose. La
seconde chose, on dit souvent ‘’oui il a fixé le décret de manière unilatérale’’.
Passons sur le fait qu’un décret est toujours par définition unilatéral. Mais
j’attire votre attention sur le fait que le président, juridiquement, n’a
aucune possibilité de fixer lui-même la date d’une élection aujourd’hui dans le
contexte guinéen. Parce que ce rôle incombe à la CENI. Et, la CENI a proposé à
la fois un chronogramme et une date. C’est à l’issue de cette proposition, que
le président a estimé de son côté, en respectant son obligation légale, que les
conditions techniques sont réunies. Et, il a signé un décret. C’est la première
fois, il n’a jamais signé avant. J’entends dire cela, oui, il ya eu report. Je
précise qu’il n’y a jamais eu de report.
Vous garantissez le fait que là, il n’estime pas que toutes les
conditions soient réunies pour qu’il ait majorité, mais que les conditions sont
réunies pour que les élections soient irréprochables ?
La volonté d’avoir une majorité à l’Assemblée relève de la politique.
Signer un décret ne relève pas de la politique ?
Non, ça ce n’est pas politique, il a une obligation légale. Le
président de la république, c’est lui qui signe le décret convoquant le corps
électoral 70 jours avant le scrutin.
Aujourd’hui il y a d’autres enjeux, on l’a suivi avec des
manifestations qui ont été violemment réprimandées. On parle quand même de
morts même si il y a eu deux morts et il ya eu trois morts côté des policiers
quand même ?
J’attire votre attention sur le fait qu’aujourd’hui en Guinée aucune
manifestation n’a été interdite. Toutes les manifestations ont été autorisées.
Pourquoi ça dégénère alors ?
Parce que tout simplement, les organisateurs n’ont pas pris toutes les
mesures concernant la sécurité des manifestations. En Guinée, il existe une loi
anti casseurs qui d’ailleurs a été concoctée en son temps contre l’actuel
président. Dans cette loi anti casseurs, il est clairement défini que les
organisateurs assument toutes les responsabilités et conséquences de la marche
(les délits, les blessés…). Et, également, il faut noter qu’en Guinée, ce n’est
pas l’armée qui assume le maintien de l’ordre. C’est la police et la
gendarmerie qui assurent le maintien de l’ordre avec des armes
conventionnelles, c’est-à-dire, comme à Paris, des gaz lacrymogènes… C’est
pourquoi d’ailleurs le gouvernement a estimé qu’il fallait proposer un
itinéraire sécurisé.
Mais pourquoi il y a des morts ?
Il y a des morts parce que malheureusement la violence a été orchestrée
par une partie des forces de l’opposition occupant le terrain face à des
policiers qui ne sont pas armés. Certains jeunes policiers et gendarmes
stagiaires ont même perdu la vie dans ces combats là. Et, malheureusement, il y
a une surenchère de la part de l’opposition qui estime peut-être que s’il y a
plus de morts, plus de blessés, ça porterait atteinte à l’image du régime. Une
erreur tragique parce qu’il s’agit de l’avenir du pays, il s’agit d’organiser
des élections libres, concurrentielles qui permettent au pays de se doter d’une
Assemblée nationale. Et il y a eu des flèches et des pierres. Malheureusement,
l’issue a été préjudiciable mais, comme une fois, le gouvernement a toujours
estimé qu’il faut appeler l’ensemble des acteurs politique au calme et à la
responsabilité. Après tout, le pays est plus important que les cadres.
Transmis
par le Bureau de Presse de la Présidence
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire