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samedi 7 décembre 2013

Sommet de l'Élysée : et si l'Afrique était l'avenir de la France qui souffre ?

C'est François Hollande qui l'a lui-même affirmé : "La France doit doubler ses échanges (économiques) avec l'Afrique". Alors que doit s'ouvrir, vendredi 6 décembre, le sommet de l'Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, que peut apporter ce continent à la France ? Décryptage d'Abdelmalek Alaoui, analyste politique et co-auteur de l’ouvrage "Le Maghreb dans les relations internationales". Bousculé sur le front intérieur, malmené par sa propre majorité, fragilisé par une reprise économique qui se fait attendre, François Hollande réussira t-il à amorcer un rebond grâce au dynamisme africain ? C’est en tout cas ce que semblent penser certains de ses conseillers. L’Élysée a incontestablement mis les petits plats dans les grands pour accueillir les pairs africains du président lors du sommet de l’Élysée qui démarre aujourd’hui. Cette traditionnelle grand-messe franco-africaine, malgré le fait qu’elle aie été fraîchement rebaptisée "sommet pour la paix et la sécurité", se veut en effet clairement tournée vers le business, avec un objectif : contribuer à restaurer la vitalité de l’économie française.
De "sphère d’influence" à la "profondeur stratégique"
Bien sûr, tout le monde autour de la table gardera à l’esprit lors de ces deux jours le rôle militaire très important joué par la France à travers son intervention au Mali et l’imminent déploiement de ses troupes en Centrafrique. Tous cependant conviennent que la France était "obligée" d’intervenir, étant la seule grande puissance membre permanent du conseil de sécurité à disposer de bases dans les zones concernées par l’instabilité.
Pour illustrer la prééminence de l’économie lors de cette importante rencontre, l’observateur notera qu’en prologue à la réunion des chefs d’États, ont été mobilisés près de 500 chefs d’entreprises français et africains, 20 ministres et 4 chefs d’État lors d’un forum économique géant à Bercy, afin d’échanger sur les formes du nouveau partenariat économique entre l’Hexagone et le continent.
Il faut dire que depuis plusieurs jours, éditorialistes, penseurs et autres spécialistes du continent préparaient le terrain à cette offensive économique de la France en Afrique, rivalisant d’analyses géopolitique et géoéconomiques pour expliquer à quel point l’Afrique se situerait dans la "profondeur stratégique" de Paris.
Cette appellation sophistiquée vient se substituer à celle, plus ancienne, de "sphère d’influence", qui était communément utilisée pour parler des anciennes colonies françaises en Afrique de l’Ouest, qui ont gardé des liens très fort avec leur ancienne puissance coloniale.
Une influence économique à reconquérirAu fil des années, l’enchevêtrement complexe de ces liens, la centralité de personnes en charge de les "faire vivre" – tel Jacques Foccart, l’omniprésent conseiller Afrique du Général de Gaulle – ou encore les soupçons de financement de la vie politique française par les capitales africaines ont contribué à l’émergence du concept conspué de "Françafrique".
Ce terme – et ce qu’il implique comme compromissions de par et d’autre – semble aujourd’hui concentrer tout ce avec lequel François Hollande semble vouloir rompre dans sa relation avec les pays africains.
Cette évolution voulue par l’Élysée signifie aussi que les priorités de la France en crise ont changé, et que le pays veut désormais reprendre les points de croissance abandonnés ces dernières années au profit notamment de la Chine.
À ce titre, les conclusions du rapport "Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France", co-écrit par Hubert Védrine et une quinzaine d’éminents spécialistes, sont sans appel : la France a progressivement perdu de son influence économique, surtout dans la zone qui était le pré-carré de ses entreprises, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Pour regagner ce terrain économique perdu en Afrique et le traduire de manière concrète sur la croissance française, il faudra cependant beaucoup plus qu’une simple évolution de posture de la part des entreprises de l’hexagone. En effet, l’Afrique de l’Ouest francophone, où elles sont présentes, ne représente que 10% du PIB Africain.
Sortir de sa "zone de confort"Le véritable réservoir de croissance pour Paris se trouve donc au sein du reste du continent, composé de pays à la diversité géographique et linguistique très importante.
Ceci suppose que les entreprises françaises effectuent un effort considérable pour sortir de leur "zone de confort", et se retrouveront donc de facto face à des entreprises américaines, chinoises ou anglaises, qui ont l’avantage de connaître ces pays et d’y évoluer depuis longtemps.
Pour dépasser cela, l’une des pistes réside dans la nécessité pour la France de nouer des alliances fortes avec des pays à l’empreinte économique puissante dans la région, en articulant de manière ambitieuse le concept de co-production qu’elle tente de promouvoir en Méditerranée. Nul doute que cette nouvelle manière de créer de la valeur sera au menu des discussions du sommet de l’Élysée.
Restera pour Paris à franchir le pas le plus difficile : faire évoluer sa relation avec l’Afrique d’une communauté d’intérêts à un partenariat économique véritable.
Par Abdelmalek Alaoui
Analyste politique
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