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lundi 21 février 2011

En visite au Sénégal, le nouveau Président guinéen Alpha Condé avait tenu à recevoir, à sa suite de l’hôtel Méridien Président, quelques responsables de média sénégalais.

Entretien avec Alpha Condé, Président de la Guinée: «j’ai hérité d’un pays, pas d’un Etat»
L’audience très cordiale et décontractée a été l’occasion pour lui poser quelques questions. Mais l’agenda serré du chef de l’Etat guinéen, qui était au terme de sa visite au Sénégal, n’avait pas permis d’aller au fond des choses. Néanmoins, Alpha Condé a pu livrer quelques pistes de l’immense travail qui l’attend à la tête de son pays.
M. le Président, quel est le sens de votre visite au Sénégal ?
Je dois dire que j’avais prévu de venir à Dakar hier samedi (Ndlr : l’entretien a eu lieu dimanche) mais le Président Wade m’a demandé de venir plus tôt, c’est-à-dire vendredi afin de prendre part à une manifestation organisée pour des femmes. C’est vous dire que je suis tombé sur la soirée de gala pour honorer des femmes sans savoir auparavant de quoi il s’agissait.
Seulement, je dois dire que le peuple sénégalais et la presse sénégalaise m’ont toujours soutenu durant toute la période que j’ai passé dans l’opposition. J’ai aussi toujours bénéficié du soutien du président de la République sénégalaise. Du temps où j’étais dans l’opposition, j’avais été obligé de me refugier à l’ambassade du Sénégal à Conakry.
Le Président Abdou Diouf, qui m’a toujours soutenu, a eu à mettre un avion à ma disposition à ma sortie de prison pour que je vienne me réfugier au Sénégal. Le Président Wade aussi me soutient. Je suis souvent venu le voir pour demander ses conseils, notamment sur la crise guinéenne.
Il est de tradition, lorsqu’un Président est élu, de rendre visite à ses voisins de la sous-région.
Je peux faire des allers-retours dans les autres pays africains, mais le Sénégal est un pays particulier. J’ai exposé au Président Wade les problèmes auxquels la Guinée est actuellement confrontée. La Guinée est dans une situation catastrophique. J’ai hérité d’un pays où il n’y a pas d’Etat encore moins une Administration.
C’est pourquoi je suis venu lui exposer la situation et écouter ses conseils et suggestions.
Il a été longtemps opposant comme moi. Mais, cela fait plus de 10 ans qu’il est à la tête du pouvoir. Il a l’expérience de gouverner. Je souhaitais bénéficier de ses conseils, mais aussi renforcer la coopération entre la Guinée et le Sénégal, d’autant plus qu’il y a plusieurs millions de Guinéens au Sénégal, comme il y a des millions de Sénégalais en Guinée.
Les deux pays ont une histoire commune ne serait-ce que pour les échanges dans le domaine de l’enseignement supérieur et autres.
Je suis venu réaffirmer ma volonté de faire en sorte que la Guinée et le Sénégal continuent à avoir des accords extrêmement étroits. Mais aussi, puisque nous sommes tous des panafricains, étant donné que nous avons tous été des membres de la Feanf (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France), notre objectif a toujours été de faire progresser l’unité africaine.
Peut-on avoir une idée plus précise des problèmes pressants de la Guinée ?
Nous avons hérité d’un Etat en quasi faillite. Depuis deux ans, nous ne bénéficions pas de l’appui de l’extérieur. Malheureusement, nous avons pris l’habitude de faire marcher la planche-à-billets. Par exemple, en un an de régime du Conseil national pour la démocratie et le développement (Cndd), il y a eu plus d’argent sorti en Guinée que durant la période allant de 1958, à la prise du pouvoir par le Cndd (Ndlr : Date de l’Indépendance de la Guinée à la mort de Conté Lansana, ancien Président de la Guinée).
C’est-à-dire, en un an, le Trésor public guinéen a sorti plus d’argent que la Guinée n’en a sorti en 60 ans.
On a fait tourner sans retenue la planche-à-billets. Vous savez très bien le résultat auquel on aboutit si vous marchez à la planche-à-billets et qu’il n’y a pas de production dans un pays où toutes les usines qui existaient avant, ont été fermées. Il n’y avait plus de production agricole en Guinée.
Il n’y avait que le négoce qui se faisait sur la base de trafic où le client ne paie pas de droit de douane, d’impôt, etc. Ce qui fait que nous avons hérité d’un pays et pas d’un Etat.
Maintenant, il faut créer l’Etat. Nous allons consacrer les cent premiers jours à faire des réformes structurelles. Parmi les 6 centrales électriques du pays, les quatre sont totalement en panne, donc seules deux centrales sont en marche.
Le problème de l’électricité est une question cruciale à laquelle la Guinée tient beaucoup.
Aujourd’hui, il faut augmenter le prix de la farine, du sucre, du riz, etc. Il faut aussi jouer contre l’inflation monétaire. Nous avons toutes ces difficultés. Mais ce sont des difficultés temporaires.
Parce que, comme je l’ai dit tantôt aux Guinéens (Ndlr : Le Président Condé a reçu auparavant une délégation de la communauté guinéenne au Sénégal), ce sont les Guinéens qui n’aiment pas la Guinée mais Dieu aime la Guinée, parce qu’on peut produire n’importe où et tout en Guinée.
Tout le monde dit que la Guinée est un scandale géologique, mais je pense que la Guinée, avant d’être un scandale géologique, est d’abord un scandale agricole. Donc, nous sommes confrontés à une série de problèmes que nous aurions pu résoudre avec facilité en négociant avec les sociétés minières pour avoir de l’argent.
Mais, mon objectif est de définir une politique minière de la Guinée afin que la Guinée soit propriétaire de ses richesses. Par conséquent, nous sommes en train de mettre sur pied un Code minier. Après, nous négocierons de nouveaux contrats parce que tous les contrats qui sont passés sont léonins, donc en défaveur des intérêts du peuple guinéen.
Nous allons revoir tous ces contrats. Auparavant, nous allons définir des politiques pour que la Guinée soit non seulement actionnaire dans chaque société, mais une partie des minerais sera vendue par la Guinée elle-même. Si les pays arabes sont propriétaires de leur pétrole, je ne vois pas pour quelle raison la Guinée ne serait pas propriétaire de ses mines.
Vous êtes aussi placé devant une autre urgence, c’est l’organisation des élections législatives.
Pour ce qui est des élections législatives en Guinée, comme nous en avons discuté avec les bailleurs de fonds, nous allons d’abord refaire un nouveau recensement électoral, parce que les premiers recensements ont été très mal faits. L’Union européenne a déjà prévu un fonds pour le recensement.
Nous allons sous peu commencer un nouveau recensement électoral. Il y a, d’ailleurs, des Africains comme le Sénégalais Amadou Top (Ndlr : Informaticien) qui sont là-bas, comme tant d’autres. Nous ne voulons plus qu’on nous impose des forces ou des sociétés étrangères pour faire le recensement électoral. Je pense que les Africains (Sénégalais, Maliens et Guinéens…), en s’associant peuvent faire des appels d’offres et faire le recensement.
Nous voulons faire des élections correctes et transparentes. Donc, nous allons d’abord procéder par des recensements électoraux corrects qui vont commencer très bientôt. Aussi, tout le scandale qu’il y a eu au sein de la Céni (Com?mission électorale nationale indépendante).
Ce qui fait que nous allons convoquer, avec l’aide de la Francophonie, une réunion à la?quelle vont prendre part les Céni des différents pays africains, les organisations des droits de l’homme et la presse, pour faire le point sur la compétence des Céni en Afrique. Ensemble, nous allons débattre pour voir quelle est la meilleure solution pour la Guinée.
Nous ne voulons pas mettre sur pied une Céni qui soit au service du gouvernement.
Nous voulons organiser des élections transparantes, donc il faut s’entourer de meilleures garanties.
Que comptez-vous faire dans le domaine de l’emploi, car les jeunes Guinéens recherchent en grande majorité leur premier emploi ?
Nous ferons deux choses. D’abord, nous allons mettre en place un fonds d’aide et de solidarité pour les jeunes qui ont des projets. Par ailleurs, nous sommes en train de mettre sur pied un service civique qui va former des jeunes qui seront envoyés dans l’intérieur du pays pour encadrer les paysans et artisans. Ensuite, nous sommes en train de faire des recensements dans la Fonction publique et dans l’Armée, parce qu’il y a beaucoup de fonctionnaires fictifs. L’Admi?nistration a vieilli.
Nous allons aussi mettre sur pied des mesures d’accompagnement pour que les fonctionnaires qui doivent aller à la retraite aient le moins de problèmes pour leur reconversion. Il ne faut pas que les fonctionnaires aillent à la retraite dans la misère. Avec l’aide des bailleurs de fonds, nous sommes en train de mettre en place des mesures d’accompagnement. Le problème du chômage sera une priorité de notre action.
propos recueillis par madiambal diagne
© Copyright Le Quotidien (Sn)

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