Dans le bureau du juge McKeon - Nafissatou a pleuré. « Elle
a semblé retenir ses larmes pendant les 45 minutes de pourparlers qui ont
précédé l’audience de 14 heures, raconte le juge Douglas McKeon. Nous revenions
la voir régulièrement dans l’antichambre proche de mon bureau pour l’informer
des progrès de la négociation, Et quand ses avocats lui ont annoncé qu’un accord
était possible, elle a été vaincue par l’émotion ».
Le juge est trop « gentleman » pour s’appesantir sur les sentiments de la plaignante devant quatre journalistes revenus le déranger dans son bureau après l’audience finale. Mais l’arbitre de l’accord, premier magistrat de la Cour Civile du Bronx, laisse apparaître son affection pour la femme de chambre du Sofitel. « Les premiers pas du règlement à l’amiable n’ont pas été faciles pour elle. Il a fallu lui laisser le temps de se familiariser avec une justice qui l’intimidait et qui l’avait déçue lors de la procédure pénale précédente, poursuit-il. C’est une personne qui vient d’un monde très différent. Il fallait le prendre en compte ».
Douglas McKeon nous confiera que les négociations ont débuté en mai dernier, peu après son rejet de la requête en immunité diplomatique de Dominique Strauss-Kahn. L’annonce d’un appel imminent par les avocats de DSK n’a pas empêché les premières tractations. Qui les a initiées ? Le juge n’en dit rien directement, mais… on s’en doute. DSK avait tout intérêt à éviter un procès, et à abréger ainsi une procédure coûteuse et de plus en plus risquée. La plaignante, elle, après l’abandon chaotique des poursuites pénales par le procureur Cyrus Vance, voulait un procès civil qui lave son honneur, démontre la culpabilité de DSK, et lui impose une sanction, fut-elle essentiellement pécuniaire. Elle a changé d’avis. Sur les conseils de ses avocats ? De Douglas McKeon lui-même, connu pour encourager le règlement à l’amiable des affaires civiles dans son tribunal du Bronx ?
L’accord a été conclu rapidement, en moins d’un an, alors qu’une procédure de ce type aurait pu trainer pendant des années. Mais les négociations n’en ont pas moins été intenses, et sans doute difficiles. McKeon n’entre pas dans les détails, mais il évoque la singularité de l’affaire. « Elle comprenait au départ un volet criminel. Lorsqu’une affaire de ce type n’aboutit pas au pénal, l’éventuelle procédure civile qui la suit prend un ton, une atmosphère particulière ». En clair, elle vise à nier l’acquittement antérieur, et se mue en guerre de tranchée sanglante.
En quels termes s’est elle donc résolue, au final ? McKeon raconte que lors de leur rencontre du 28 novembre, les négociations entre les parties adverses ont duré plusieurs heures dans le bureau du juge. Ce dernier parlait encore au téléphone avec les deux camps ce week end et les points les plus épineux n’ont été réglés que le 10 décembre, à la dernière minute, peu avant l’audience. Quels sont ces points ? Le juge ne cache pas que le montant des indemnisations a fait évidement l’objet de négociations intenses. Mais selon lui, l’autre point important concernait, mystérieusement, la définition des « éléments de l’accord devant rester confidentiels ». A l’entendre, ni Diallo ni DSK ne souhaitaient rendre public le montant du chèque. Alors de quels autres éléments négociaient-ils si âprement la confidentialité, ou…l’absence de confidentialité ?
Le juge répond une fois de plus en creux : « Personne n’interdit à Nafissatou Diallo de parler à qui bon lui semble, y compris à la presse. Seuls les éléments déclarés confidentiels doivent être exclus de sa communication ». Fin de confidence. En attendant que l’une ou l’autre des parties, mais plus vraisemblablement celle de Diallo, acceptent de préciser publiquement les contours de ces zones interdites, je peux me livrer à une petite spéculation, que seul le cadre d’un blog autorise : Elle commence par une nouvelle question. Nafissatou, qui souhaitait tant un procès civil, a-t-elle accepté de le clore seulement pour de l’argent, sans même chercher à obtenir la moindre reconnaissance publique de responsabilité, la moindre excuse, le moindre regret venant de DSK ? Cela ne ressemble pas du tout, non plus, à son avocat Ken Thompson, enragé, acharné depuis des mois « à faire éclater la vérité ». Si elle a reçu de DSK une lettre, aussi alambiquée soit-elle, reconnaissant des torts, même édulcorés, à son égard, est-elle dans l’obligation contractuelle de la tenir secrète ?
J’en parle car le cas s’est présenté dans la seule affaire comparable, celle du rapport sexuel, apparemment non consenti du basketteur Kobe Bryant avec une employée d’hôtel. Après l’abandon des poursuites pénales, due, là aussi, aux failles de la prétendue victime, un accord a été signé pour une somme, restée confidentielle, de plusieurs millions de dollars (peut-être 10). Mais Bryant a écrit une lettre publique des plus ambiguës reconnaissant son erreur, celle de l’avoir cru consentante, et de lui avoir causé des souffrances.
Les négociations entre DSK et Diallo portaient-elles sur ce point ? Nous ne le saurons peut-être jamais.
Philippe Coste/L'Express
Le juge est trop « gentleman » pour s’appesantir sur les sentiments de la plaignante devant quatre journalistes revenus le déranger dans son bureau après l’audience finale. Mais l’arbitre de l’accord, premier magistrat de la Cour Civile du Bronx, laisse apparaître son affection pour la femme de chambre du Sofitel. « Les premiers pas du règlement à l’amiable n’ont pas été faciles pour elle. Il a fallu lui laisser le temps de se familiariser avec une justice qui l’intimidait et qui l’avait déçue lors de la procédure pénale précédente, poursuit-il. C’est une personne qui vient d’un monde très différent. Il fallait le prendre en compte ».
Douglas McKeon nous confiera que les négociations ont débuté en mai dernier, peu après son rejet de la requête en immunité diplomatique de Dominique Strauss-Kahn. L’annonce d’un appel imminent par les avocats de DSK n’a pas empêché les premières tractations. Qui les a initiées ? Le juge n’en dit rien directement, mais… on s’en doute. DSK avait tout intérêt à éviter un procès, et à abréger ainsi une procédure coûteuse et de plus en plus risquée. La plaignante, elle, après l’abandon chaotique des poursuites pénales par le procureur Cyrus Vance, voulait un procès civil qui lave son honneur, démontre la culpabilité de DSK, et lui impose une sanction, fut-elle essentiellement pécuniaire. Elle a changé d’avis. Sur les conseils de ses avocats ? De Douglas McKeon lui-même, connu pour encourager le règlement à l’amiable des affaires civiles dans son tribunal du Bronx ?
L’accord a été conclu rapidement, en moins d’un an, alors qu’une procédure de ce type aurait pu trainer pendant des années. Mais les négociations n’en ont pas moins été intenses, et sans doute difficiles. McKeon n’entre pas dans les détails, mais il évoque la singularité de l’affaire. « Elle comprenait au départ un volet criminel. Lorsqu’une affaire de ce type n’aboutit pas au pénal, l’éventuelle procédure civile qui la suit prend un ton, une atmosphère particulière ». En clair, elle vise à nier l’acquittement antérieur, et se mue en guerre de tranchée sanglante.
En quels termes s’est elle donc résolue, au final ? McKeon raconte que lors de leur rencontre du 28 novembre, les négociations entre les parties adverses ont duré plusieurs heures dans le bureau du juge. Ce dernier parlait encore au téléphone avec les deux camps ce week end et les points les plus épineux n’ont été réglés que le 10 décembre, à la dernière minute, peu avant l’audience. Quels sont ces points ? Le juge ne cache pas que le montant des indemnisations a fait évidement l’objet de négociations intenses. Mais selon lui, l’autre point important concernait, mystérieusement, la définition des « éléments de l’accord devant rester confidentiels ». A l’entendre, ni Diallo ni DSK ne souhaitaient rendre public le montant du chèque. Alors de quels autres éléments négociaient-ils si âprement la confidentialité, ou…l’absence de confidentialité ?
Le juge répond une fois de plus en creux : « Personne n’interdit à Nafissatou Diallo de parler à qui bon lui semble, y compris à la presse. Seuls les éléments déclarés confidentiels doivent être exclus de sa communication ». Fin de confidence. En attendant que l’une ou l’autre des parties, mais plus vraisemblablement celle de Diallo, acceptent de préciser publiquement les contours de ces zones interdites, je peux me livrer à une petite spéculation, que seul le cadre d’un blog autorise : Elle commence par une nouvelle question. Nafissatou, qui souhaitait tant un procès civil, a-t-elle accepté de le clore seulement pour de l’argent, sans même chercher à obtenir la moindre reconnaissance publique de responsabilité, la moindre excuse, le moindre regret venant de DSK ? Cela ne ressemble pas du tout, non plus, à son avocat Ken Thompson, enragé, acharné depuis des mois « à faire éclater la vérité ». Si elle a reçu de DSK une lettre, aussi alambiquée soit-elle, reconnaissant des torts, même édulcorés, à son égard, est-elle dans l’obligation contractuelle de la tenir secrète ?
J’en parle car le cas s’est présenté dans la seule affaire comparable, celle du rapport sexuel, apparemment non consenti du basketteur Kobe Bryant avec une employée d’hôtel. Après l’abandon des poursuites pénales, due, là aussi, aux failles de la prétendue victime, un accord a été signé pour une somme, restée confidentielle, de plusieurs millions de dollars (peut-être 10). Mais Bryant a écrit une lettre publique des plus ambiguës reconnaissant son erreur, celle de l’avoir cru consentante, et de lui avoir causé des souffrances.
Les négociations entre DSK et Diallo portaient-elles sur ce point ? Nous ne le saurons peut-être jamais.
Philippe Coste/L'Express
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire