Alpha
Condé, chef de l’État guinéen, actuellement à Davos pour le Forum économique
mondial, revient sur son soutien à l’intervention française au Mali, mais aussi
sur les enjeux que représentent pour son pays des rendez-vous tels que celui de
Davos. Propos recueillis par Mounia Daoudi.
RFI :
Monsieur le président, vous venez de participer ici, à Davos, à une table ronde
sur la situation au Mali. Quelles ont été les préoccupations de vos
interlocuteurs ?
Alpha Condé : Je crois que,
surtout, il s’agissait de savoir ce qu’il faut faire au Mali. Évidemment, s’il
y a eu cette situation, c’est parce qu’il n’y a pas de régime démocratique en
Afrique qui travaille pour le peuple africain. Mais pour le moment, le problème
qui se pose, c’est le problème des terroristes.
Si la France n’était pas intervenue, où en serait-on aujourd’hui ? Parce
que, il est évident que les terroristes auraient pris l’aéroport, ils auraient
pris Bamako et toute l’Afrique de l’Ouest aurait été déstabilisée. Donc, il
s’agit, à court terme, de résoudre le problème militaire. Et ensuite, de
permettre l’installation d’un régime démocratique au Mali, mais surtout
d’assister le peuple malien à la gestion du pays, y compris à la gestion des
ressources économiques.
Justement,
est-ce que vous avez senti un soutien à cette action militaire ? Neuf chefs
d’État africains sont présents ici, à Davos, dont le président Jacob Zuma qu’on
sent, quand même, un peu plus réticent. Est-ce que vous avez pu lui parler ?
Je pense que le président Zuma et moi on a de très, très bonnes
relations. Nous avons été d’accord pour nous opposer à l’intervention étrangère
en Libye, mais je crois que dans le cas du Mali, c’était une course de vitesse.
Nous n’étions pas capables, en tant qu’Africains, de bloquer les terroristes.
Seule la France l’a fait. Mais il faut que nous, on prenne maintenant la
relève. Mais aussi que l’on convainque le monde entier, qu’après le Mali, des
rebelles vont aller dans le désert. Et là, pour que l’Afrique ne soit pas un
nouvel Afghanistan, il faut que les Américains, les Européens et tout le monde
s’implique.
Évidemment, nous aurions souhaité que les problèmes soient résolus par
l’Afrique, pas par un pays extérieur à l’Afrique. Mais aujourd’hui, nous nous
félicitons tous de l’intervention française. Nous allons faire en sorte que,
rapidement, les armées africaines se substituent à la France.
L'Afrique, plus que tout autre continent aujourd’hui, a besoin de
démocratie, a besoin de gouvernements qui travaillent au profit des grandes
couches les plus déshéritées, surtout les femmes et les hommes. Je pense que le
problème du Mali, au-delà de la guerre, nous interpelle. Parce que les causes
profondes c’est l’inégalité, c’est la mauvaise gouvernance.
Davos
c’est un petit peu le rendez-vous de l’élite économique mondiale. Que vient-on
chercher à Davos, quand on est un chef d’État africain ?
Quand on est un chef d’État, élu démocratiquement, la préoccupation
c’est le développement du pays au profit des populations. Et pour cela, nous
avons besoin d’attirer des investisseurs. Donc, nous devons être, en quelque
sorte, des commis voyageurs qui doivent présenter nos pays, et attirer des
investisseurs, afin d’améliorer les conditions de vie.
Parce que sans les investissements, sans développement de secteur privé,
il est très difficile de trouver du travail pour les jeunes et d’améliorer les
conditions de vie des populations. Donc, c’est une bonne occasion pour nous,
d’attirer les investisseurs.
Il a,
justement, été beaucoup question du déficit en infrastructures du continent.
Vous-même, quand vous êtes arrivé au pouvoir, vous vous êtes engagé à améliorer
le quotidien des Guinéens. Aujourd’hui, les attentes sont encore nombreuses
dans ce domaine.
Oui, mais malheureusement, on avait un problème. Nous avons un PIB de
cinq milliards et nous avons une dette de trois milliards cent millions. Donc,
la priorité, c’était d’abord de sortir du PPTE (pays pauvres très endettés,
ndlr). Donc, la macro-économie. Et c’est vrai que la macro-économie, c’est
fondamental. Mais ça ne résout pas le problème des populations. C'est-à-dire,
ça n’améliore pas l’assiette.
Donc, nous avons dépassé le cap du PPTE. Maintenant, la politique que
nous avons, c’est : comment améliorer les conditions de vie des populations.
C'est-à-dire, comment améliorer l’assiette de Guinéens. Et ça, cette étape,
nous en sommes aujourd’hui – malgré toutes les difficultés – nous sommes
certains qu’après les élections législatives, la Guinée va aller très vite.
Justement,
la Guinée a signé au mois de décembre, avec l’Union européenne, une convention
pour l’obtention du dixième FED (fonds européen de développement). Donc ce
fonds qui va vous permettre d’engager des travaux d’urgence. Mais le déblocage
de cette aide est soumis à la tenue effective d’élections législatives. Or, aujourd’hui,
en Guinée il y a un problème. C’est le problème du fichier électoral.
L’opposition conteste ce fichier électoral. Que comptez-vous faire ?
Non !... Je crois que vous êtes en retard ! Le fichier – la Céni
[Commission électorale nationale indépendante, ndlr] est en train de faire le
pré-affichage du fichier électoral – tous les électeurs qui ont voté au premier
tour sont déjà sur le fichier. Et le fichier est déjà en train d’être affiché,
pour que les gens viennent voir s’il y a leurs noms. Donc, dans quelques jours,
nous allons commencer la révision, pour compléter ceux qui n’avaient pas été
sur la liste.
Le problème du fichier ne se pose plus, puisqu’il est déjà en train
d’être affiché, et que tout le monde se retrouve dedans. Que ce soit à la fois
numérique ou biométrique, le problème est résolu, puisque non seulement on les
a transférés, mais on les a imprimés.
Les gens sont en train de voir, maintenant, ceux qui ne sont pas
inscrits. Parce que nous avons, à cause de l’impôt de capitation, beaucoup de
gens qui ne s’inscrivaient pas. Aujourd’hui, moi, je surveille l’impôt. Donc,
c’est ceux qui ne sont pas sur la liste qui vont s’inscrire. Et c’est ce en
quoi va consister la révision complémentaire pour aller aux élections.
Et
les élections sont maintenues pour le mois de mai ?
Ça, c’est la Céni qui décide. Moi, la seule obligation que j’ai, c’est
de convoquer les élections, soixante-dix jours avant. Je suis certain que la
Céni tiendra cette date et que je pourrai convoquer les élections soixante-dix
jours avant.
Transmis par le Bureau de Presse
de la Présidence