Des armes légères et des munitions iraniennes ont circulé, depuis 2006, dans neuf pays d'Afrique, pour la plupart sur le marché noir, affirme un groupe de chercheurs indépendant. Ce rapport, fruit de six ans d'enquête, a été publié en décembre par Conflict Armament Research, une société privée britannique qui traque les flux d'armes légères à travers le monde. Le New York Times en faisait écho samedi.Selon les éléments rassemblés par ce groupe (14 cas), l'Iran a fourni des armes à quatre gouvernements africains, au Soudan principalement, en Guinée, au Kenya et en Côte d'Ivoire. Depuis ces pays, les armes ont circulé sur le marché noir vers l'actuel Soudan du Sud, en République démocratique du Congo (RDC), au Niger et au Nigeria.
Ces découvertes ne sont pas à proprement parler une surprise. En 2010, déjà, l'Iran avait été accusé par la Gambie et le Nigeria d'avoir tenté de livrer des lance-roquettes, des armes automatiques, des grenades, des obus de mortier et des munitions à des mouvements rebelles sur leur territoire. Deux hommes présentés par les autorités nigérianes et des sources occidentales comme de hauts responsables de la branche spéciale des gardiens iraniens de la révolution, la force Al-Qods, dont le responsable de sa branche Afrique, avaient été impliqués dans ce trafic.
La Gambie avait rompu ses relations diplomatiques avec l'Iran. Le Nigeria avait adressé une notification formelle au Conseil de sécurité des Nations unies, faisant état d'une possible violation par l'Iran des résolutions de l'ONU qui, depuis 2007, lui interdisent d'exporter des armes. Le ministre des affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, avait été renvoyé deux mois plus tard par le président Ahmadinejad, durant un voyage au Sénégal où il devait s'expliquer sur ces livraisons d'armes.
Mais ce rapport documente un trafic dont l'ampleur surprend, et qui n'avait pas été détaillé précisément jusqu'à maintenant. Des cartouches de kalachnikov iraniennes ne portant pas la marque de leur usine de fabrication ont notamment été retrouvées par l'un des chercheurs, travaillant alors pour Amnesty International, en 2009, dans un stade de Conakry, en Guinée, où l'armée avait ouvert le feu sur des manifestants, tuant plus de 150 personnes. Les chercheurs ont également retrouvé ces cartouches dans les mains de rebelles en Côte d'Ivoire, de troupes régulières en RDC, de talibans en Afghanistan (un cas documenté par le New York Times) et de groupes affiliés à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) au Niger.
Ce trafic offre à l'Iran des sources de devises discrètes. Il aurait pu lui permettre au Nigeria, en 2010, d'influer sur un puissant producteur de pétrole, en cherchant à armer des groupes qui déstabilisent le delta du Niger.
Le rapport suggère que l'Iran est un vendeur d'armes récent sur le continent africain (la plupart des cartouches ont été fabriquées entre 2002 et 2003), mais que son empreinte y est singulièrement étendue. Selon ses auteurs, "des Etats africains semblent être les principaux vecteurs d'approvisionnement en munitions iraniennes (et en armes) de marchés illégaux en Afrique — que cela soit le résultat de pertes, de vols ou d'une politique délibérée".
Louis Imbert/Le Monde
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