La capitale de la République démocratique du Congo (RDC),
Kinshasa, dite "Kin", a deux visages : "Kin la belle" en son cœoeur, "Kin
poubelle" presque partout ailleurs. Les contrastes entre l''un et l''autre se
sont accentués à la faveur de la première grand-messe internationale que cette
métropole d''au moins dix millions d''habitants tenait à accueillir depuis
longtemps, comme un défi à sa nonchalance.
Aux délégations de la cinquantaine de pays venues assister au XIVe sommet de la francophonie, du 12 au 14 octobre, les autorités congolaises se sont efforcées de présenter, le long d'un parcours balisés, le visage de Kin la belle. Tel était son surnom dans les années 1970, lorsque le dictateur Mobutu avait imposé à la population des travaux d'intérêt généraux pour maintenir la capitale du Zaïre d''alors dans la propreté.
Récemment, le petit aéroport international de N''Djili a été rénové et son unique piste a été refaite et élargie, par la société chinoise Sinohydro. Il y a quelques semaines encore, la route menant de N''Djili au centre-ville était un cauchemar d''embouteillages et de nids de poule, si bien qu'il fallait souvent quatre heures pour parcourir sa trentaine de kilomètres. Elle a été transformée en un temps record en six voies dégagées. Par une autre entreprise chinoise.
Les parlementaires congolais ont été délogés du "Palais du peuple" pour qu''il héberge le sommet francophone. Ce sobre bâtiment avait été construit dans les années 1970... par des Chinois. Ce sont encore eux qui viennent de le rénover. Certaines délégations sont logées dans l''un des plus beaux hôtels de la ville, près du fleuve Congo, dans une ancienne tour de l''ère Mobutu réaménagée par ses nouveaux propriétaires. Des Chinois.
Explication : en 2007, Pékin a accordé à la RDC du président Joseph Kabila un prêt de 9 milliards de dollars. En échange de participations dans les ressources minières dont cet immense pays d''Afrique centrale regorge, la Chine s'était engagée à effectuer des travaux d'infrastructures. Leur réalisation tardait à Kinshasa, ils ont été exécutés fissa ces dernières semaines. Le quartier résidentiel de La Gombe que le sommet mobilise et les environs du Palais du peuple ont été débarrassés de leurs détritus par des légions de balayeurs, décorés aux couleurs de la francophonie et joliment illuminés la nuit.
"TENACITÉ"
Autre miracle : aux abords du stade des Martyrs, un terrain vague a été transformé à la vitesse de l''éclair la semaine dernière en un "village de la francophonie" peuplé de paillotes comme autant de vitrines de la RDC. Toutes ces zones ont été bouclées vendredi par des forces de sécurité lourdement armées et les contrôles de sécurité renforcés. La marche que le leader de l''opposition Etienne Tshisekedi, autoproclamé "président élu" à l''issue du scrutin contesté de novembre 2011, avait annoncée pour le même jour a été interdite.
Les officiels des gouvernements de la France, du Canada et du Québec en tête , venues à Kinshasa en se déclarent déterminés à y réclamer le respect des droits fondamentaux, ont cependant pu rencontrer dans leurs hôtels les représentants de l''opposition, des ONG congolaises et d''une société civile bouillonnante. Ils ont été impressionnés, dit ainsi le ministre québécois des relations extérieures, Jean-François Lisée, par leur "tenacité affichée devant les obstacles", leur "détermination à relancer le processus démocratique. Et leur désespoir devant les ravages de la guerre larvée qui sévit depuis avril dans les Kivu (est de la RDC)". Le Rwanda a refusé de s''associer au projet de résolution de la francophonie, qui réclamait des sanctions ciblées contre les groupes rebelles ravageant la zone. Kigali a été accusé par un rapport de l''ONU d''armer le plus menaçant d''entre eux, baptisé M23.
La grande majorité des Kinois, privés des rares transports en commun de la métropole pendant les "festivités", se déplacent à pied en longues files, quand défilent à leurs côtés les cortèges de voitures officielles à gyrophares. Ils sont partagés entre un sentiment de résignation et l''espoir que ce sommet attire l''attention sur leur sort de pauvres parmi les pauvres de la francophonie (avec Haïti), sur l''insécurité qu'ils vivent au quotidien et sur la corruption endémique dont ils font les frais. Les travaux pour "Kin la belle" ont entraîné la destruction de certains de leurs étals ou marchés clandestins dans leur "Kin poubelle", aux voies de terre détrempées sous les averses de saison.
Les médias occidentaux qui s'intéressent à leur sort, dans leurs habitations de fortune, sont tancés par les autorités. Soucieuse de son image, la RDC de Joseph Kabila ambitionne de devenir un, voire "le", pays émergent d'Afrique. Un long chemin que les Chinois seront peut-être de nouveau invités à paver, au prix d''autres concessions congolaises.
Par Martine Jacot (Kinshasa/Le Monde
Aux délégations de la cinquantaine de pays venues assister au XIVe sommet de la francophonie, du 12 au 14 octobre, les autorités congolaises se sont efforcées de présenter, le long d'un parcours balisés, le visage de Kin la belle. Tel était son surnom dans les années 1970, lorsque le dictateur Mobutu avait imposé à la population des travaux d'intérêt généraux pour maintenir la capitale du Zaïre d''alors dans la propreté.
Récemment, le petit aéroport international de N''Djili a été rénové et son unique piste a été refaite et élargie, par la société chinoise Sinohydro. Il y a quelques semaines encore, la route menant de N''Djili au centre-ville était un cauchemar d''embouteillages et de nids de poule, si bien qu'il fallait souvent quatre heures pour parcourir sa trentaine de kilomètres. Elle a été transformée en un temps record en six voies dégagées. Par une autre entreprise chinoise.
Les parlementaires congolais ont été délogés du "Palais du peuple" pour qu''il héberge le sommet francophone. Ce sobre bâtiment avait été construit dans les années 1970... par des Chinois. Ce sont encore eux qui viennent de le rénover. Certaines délégations sont logées dans l''un des plus beaux hôtels de la ville, près du fleuve Congo, dans une ancienne tour de l''ère Mobutu réaménagée par ses nouveaux propriétaires. Des Chinois.
Explication : en 2007, Pékin a accordé à la RDC du président Joseph Kabila un prêt de 9 milliards de dollars. En échange de participations dans les ressources minières dont cet immense pays d''Afrique centrale regorge, la Chine s'était engagée à effectuer des travaux d'infrastructures. Leur réalisation tardait à Kinshasa, ils ont été exécutés fissa ces dernières semaines. Le quartier résidentiel de La Gombe que le sommet mobilise et les environs du Palais du peuple ont été débarrassés de leurs détritus par des légions de balayeurs, décorés aux couleurs de la francophonie et joliment illuminés la nuit.
"TENACITÉ"
Autre miracle : aux abords du stade des Martyrs, un terrain vague a été transformé à la vitesse de l''éclair la semaine dernière en un "village de la francophonie" peuplé de paillotes comme autant de vitrines de la RDC. Toutes ces zones ont été bouclées vendredi par des forces de sécurité lourdement armées et les contrôles de sécurité renforcés. La marche que le leader de l''opposition Etienne Tshisekedi, autoproclamé "président élu" à l''issue du scrutin contesté de novembre 2011, avait annoncée pour le même jour a été interdite.
Les officiels des gouvernements de la France, du Canada et du Québec en tête , venues à Kinshasa en se déclarent déterminés à y réclamer le respect des droits fondamentaux, ont cependant pu rencontrer dans leurs hôtels les représentants de l''opposition, des ONG congolaises et d''une société civile bouillonnante. Ils ont été impressionnés, dit ainsi le ministre québécois des relations extérieures, Jean-François Lisée, par leur "tenacité affichée devant les obstacles", leur "détermination à relancer le processus démocratique. Et leur désespoir devant les ravages de la guerre larvée qui sévit depuis avril dans les Kivu (est de la RDC)". Le Rwanda a refusé de s''associer au projet de résolution de la francophonie, qui réclamait des sanctions ciblées contre les groupes rebelles ravageant la zone. Kigali a été accusé par un rapport de l''ONU d''armer le plus menaçant d''entre eux, baptisé M23.
La grande majorité des Kinois, privés des rares transports en commun de la métropole pendant les "festivités", se déplacent à pied en longues files, quand défilent à leurs côtés les cortèges de voitures officielles à gyrophares. Ils sont partagés entre un sentiment de résignation et l''espoir que ce sommet attire l''attention sur leur sort de pauvres parmi les pauvres de la francophonie (avec Haïti), sur l''insécurité qu'ils vivent au quotidien et sur la corruption endémique dont ils font les frais. Les travaux pour "Kin la belle" ont entraîné la destruction de certains de leurs étals ou marchés clandestins dans leur "Kin poubelle", aux voies de terre détrempées sous les averses de saison.
Les médias occidentaux qui s'intéressent à leur sort, dans leurs habitations de fortune, sont tancés par les autorités. Soucieuse de son image, la RDC de Joseph Kabila ambitionne de devenir un, voire "le", pays émergent d'Afrique. Un long chemin que les Chinois seront peut-être de nouveau invités à paver, au prix d''autres concessions congolaises.
Par Martine Jacot (Kinshasa/Le Monde
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