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samedi 2 juin 2012

Secteur minier : l'africanisation est en marche

Si les groupes miniers anglo-saxons restent dominants, de plus en plus d'entrepreneurs du continent investissent le secteur. A défaut de lancer leurs propres sociétés, ils accèdent à des postes stratégiques au sein des majors.
«Dans le secteur minier, nous sommes encore trop peu d'entrepreneurs originaires du continent à avoir lancé nos propres compagnies», regrette le Congolais Kalaa Mpinga, président de Mwana Africa. «Alors que dans certains pays les ressources minières sont les principales richesses [évaluées en RDC à 24 000 milliards de dollars, soit environ 18 500 milliards d'euros, NDLR], on ne compte pratiquement pas de sociétés minières privées africaines en dehors des Marocaines ou des Sud-africaines », déplore le patron, dont l'entreprise, fondée en 2003, réalise 31 millions d'euros de chiffre d'affaires dans l'or et le nickel en Afrique australe et en RD Congo.
Si les pays anglophones de tradition minière comptent quelques grands entrepreneurs, tels le Ghanéen Sam Jonah, patron charismatique d'Ashanti Goldfields (fusionné avec AngloGold en 2004), ou le Sud-Africain Patrice Motsepe, président d'African Rainbow Minerals, ailleurs, ils se font rares. Mais les choses pourraient changer, avec l'africanisation des cadres du secteur, un mouvement lancé dans le sillage de la politique sud-africaine du Black Economic Empowerment visant à renforcer le poids des Noirs dans les entreprises. «Je vois de plus en plus d'Africains qui participent et gèrent de grands projets. Il y a une montée en puissance de décideurs locaux, c'est indéniable», observe l'avocat Thierry Lauriol, responsable des questions minières au sein du cabinet Jeantet.
Formations «maisons»
«Quand j'ai commencé à travailler dans le secteur, chez le sud-africain Randgold Resources, j'ai été l'un des premiers originaires du continent à être directeur pays, au Mali. Aujourd'hui, tous les titulaires des postes de ce niveau sont africains », observe le Sénégalais Aziz Sy, vice-président de la junior canadienne Oromin Explorations pour les opérations au Sénégal. «C'est dans l'intérêt des majors de faire émerger des cadres africains : ils connaissent le milieu et les rouages de l'administration... et puis ils coûtent moins cher ! » ajoute ce géologue formé à l'Institut des sciences de la terre de Dakar.
Pour Igor Rochette, responsable en recrutement chez Michael Page pour le secteur minier, «certaines majors du secteur [comme Vale, BHP Billiton ou Rio Tinto] préfèrent souvent un cadre africain, quitte à être moins exigeantes sur certaines compétences, et misent ensuite sur des formations "maison". Elles favorisent aussi leur mobilité, les envoyant dans leurs différentes filiales pour les faire monter en compétence », indique-t-il. «Chez Vale, en 2009, il n'y avait que six responsables africains au sein de la direction Afrique australe et pas un seul directeur général. Aujourd'hui, nous sommes deux directeurs généraux et treize responsables de secteur mozambicains», se félicite Amado Mabasso, directeur général en charge des activités support pour le groupe brésilien à Maputo, qui doit être prochainement envoyé en formation au Massachusetts Institute of Technology.
Reste que, entre cette africanisation de l'encadrement des groupes internationaux et l'émergence de sociétés locales, il y a un grand pas. «La prépondérance des sociétés étrangères dans le secteur minier perdure, car elles ont les financements et la technologie. Les intérêts africains se manifestent dans la prise de permis, mais ils recherchent ensuite très vite des partenaires. Il faudra du temps pour voir émerger des champions continentaux », estime Me Lauriol.
GISEMENTS GELES
«Malheureusement, les entrepreneurs miniers africains s'aventurent bien souvent sans connaître les bases du métier. Certains détenteurs de permis, inconscients de la valeur de leurs titres, se font rouler par des juniors venues de l'étranger, leur revendant leurs titres à des prix très bas au lieu de prendre le temps d'en évaluer la valeur », regrette Boubacar Bocoum, responsable de l'appui au secteur minier à la Banque mondiale. «Pis, certains gisements, pourtant prometteurs, restent gelés car leur détenteur n'a pas le réseau nécessaire ou la crédibilité dans le milieu», ajoute ce Malien, pour qui il est urgent d'améliorer les filières minières en Afrique francophone. «À l'instar de ce qu'ont fait les universités sud-africaines, mais aussi ghanéennes, dont les formations se sont étoffées, il faut des écoles reconnues à l'échelle internationale, moins nombreuses mais d'un meilleur niveau». Pas seulement en géologie ou en ingénierie, mais aussi et surtout en matière financière.
«Avec mon expérience chez Randgold Resources, Lonmin puis Oromin Explorations, où j'ai exercé des responsabilités opérationnelles, j'ai eu envie, moi aussi, de créer ma propre compagnie, indique Aziz Sy. Au Sénégal, il est relativement facile pour un ressortissant d'obtenir un permis. Mais pour réussir, il me manque des compétences ou un associé pour lever des fonds sur les marchés. Dans la filière aurifère, il faut des dizaines de millions de dollars pour lancer un projet... »
LES FIGURES DE PROUE
Pour réussir, il manque en effet souvent aux Africains une capacité à se mettre en réseau avec les décideurs mondiaux, qui investissent à Toronto, Londres, Sydney... et, plus rarement, Johannesburg. «Si je n'avais pas gravi les échelons en Afrique du Sud, au sein d'Anglo American, dont je suis devenu, à 36 ans, le plus jeune administrateur et dont j'ai repris des gisements non stratégiques, je n'aurais jamais sauté le pas, explique Kalaa Mpinga, formé à l'université McGill de Montréal. Quand j'ai lancé Mwana Africa, j'ai pu lever 5 millions de dollars auprès de six grands investisseurs angolais, zimbabwéens et zambiens, avant d'aller à la Bourse de Londres. Jamais je n'aurais été suivi sans mes références, notamment en matière financière ».
Le développement du patronat africain serait-il une tendance émergente ? « Avec la peur du risque, la majorité des cadres préfère faire carrière dans les grands groupes, mais il y a quelques pionniers subsahariens francophones qui connaissent bien le secteur et vont au-delà de l'achat et de la revente de permis», estime Boubacar Bocoum. Pour lui, «ce sont des personnalités comme Kalaa Mpinga ou le Congolais Richard Ondoko qui font, avec leurs projets miniers, évoluer les mentalités».
À cette liste, on pourrait ajouter le Mauritanien Ahmed Baba Ould Azizi, le Sénégalais Ousmane Ndiaye ou l'ex-Premier ministre guinéen Kabiné Komara.
Pour le responsable de la Banque mondiale, l'africanisation du patronat va nécessairement suivre celle des cadres du secteur, même si cela prendra du temps.
Seule solution pour accélérer ce processus : un appui politique fort des États du continent à leurs entrepreneurs. «Je ne connais aucune banque basée en Afrique qui accepte de financer des projets miniers. Les financements viendront toujours de l'extérieur, affirme Kalaa Mpinga. Mais pour limiter ce contrôle, les gouvernements ne doivent pas craindre de s'appuyer sur les actifs miniers pour imposer une part locale dans les capitaux des sociétés, et même d'en faciliter la prise de contrôle par des privés africains ».
Un appel que le Sénégal, la Guinée ou la RD Congo, qui ont récemment modifié leur Code minier en intégrant de telles mesures, ont entendu. Sur place, reste aux cadres africains du secteur, mieux formés et favorisés par les législations, à saisir les opportunités.
Par Le Potentiel



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