Une photo de Mme Diallo publiée par Le Monde, le 24 août 2011, est riche d’informations. Selon la légende, l’accusatrice de DSK sort de l’audition à laquelle le procureur Vance l’a convoquée, le 22 août, pour l’informer sans doute de sa décision d’abandonner le lendemain toutes poursuites contre son agresseur allégué.
Une information donnée
Les informations condensées dans cette photo appartiennent évidemment à la variété de l’information donnée, c’est-à-dire celle qui est livrée volontairement par Mme Diallo, et donc jugée par elle comme susceptible de la promouvoir, ou du moins de ne pas lui nuire.
1- Deux leurres
- On la voit poser au centre de la photo en feignant de ne pas le faire. Elle fixe des yeux le lecteur, dans une relation interpersonnelle simulée, selon le leurre de l’image mise en abyme : elle le prend à témoin du sort que vient de lui réserver la justice, offrant un visage à la fois digne et serein malgré ce qu’elle vient d’apprendre.
- Cette posture de trois-quarts prise au moment où elle se retourne, simule aussi la prise sur le vif de l’instantané, selon le leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée, qui confère à la première qui n’est pas fiable la plus grande fiabilité de la seconde.
2- Le contexte
Mais ce qui saute aux yeux, c’est le contexte où Mme Diallo a tenu à se faire photographier : elle est la seule femme au milieu d’un groupe d’hommes, majoritairement noirs, à la carrure impressionnante.
- Par intericonicité, ces accompagnateurs font aussitôt penser à des gardes du corps dont le volume physique et le regard circulaire dans un visage fermé sont autant de métonymies de la puissance en alerte qui suffit à dissuader toute velléité d’approche de la jeune femme.
- Qu’ils soient tous noirs ou presque, est une autre métonymie à portée symbolique : Mme Diallo est ici clairement placée sous la protection d’une communauté afro-américaine, comme si la procédure engagée contre DSK était un combat ethnique entre Blancs et Noirs.
Une chose est sûre, Mme Diallo n’apparaît plus comme la femme de chambre modeste et solitaire, longtemps décrite complaisamment par les médias officiels. Elle s’affiche ouvertement comme membre d’un groupe organisé que protège un service d’ordre musclé.
La maîtrise de son image par Mme Diallo
Cette représentation calculée de Mme Diallo est confirmée par la maîtrise de son image dont elle n’a pas cessé de faire preuve depuis le début de l’affaire.
1- Le choix initial de l’anonymat
Dans un premier temps, elle a refusé de montrer son visage. Elle a choisi l’anonymat. Police et Justice, a-t-on dit, l’aurait cachée pour la protéger de tout danger de représailles. On n’a vu qu’une forme voilée entrer au tribunal, quand son agresseur supposé était exhibé menotté dans le dos entre deux policiers devant une meute de médias. On n’a pas vu à quoi elle ressemblait pendant deux mois, laissant à ses avocats successifs le soin de parler pour elle.
2- Le choix ultérieur de l’exhibition publique
Dans un second temps, elle a fait le choix contraire : elle est apparue au grand jour en juillet. On l’a vu se faire photographier auprès d’une journaliste et surtout livrer sa version des faits dans une interview à NewsWeek puis sur le plateau de la chaîne de télévision ABC News avec force mimiques expressives (1). Les circonstances avaient changé : le 30 juin 2011, le procureur l’avait déclarée « unthruthful » - insincère - dans une lettre à la défense. Ses conseillers ont donc misé sur cette exhibition publique pour tenter de stimuler le réflexe de compassion et d’assistance à personne en danger dans une sorte de leurre d’appel humanitaire : l’opinion publique bouleversée pouvait empêcher le procureur, préoccupé par sa réélection, de s’orienter vers le non-lieu que la lettre du 30 juin rendait probable.
3- Un avertissement à toutes fins utiles
Cette dernière photo d’une femme protégée par un groupe ethnique homogène de colosses paraît viser un tout autre objectif. Déboutée de sa plainte et donc désormais vulnérable, elle semble avoir voulu délivrer un avertissement à toutes fins utiles : ne tentez pas de me nuire, je ne suis pas seule, voyez vous même ! Vous trouverez à qui parler ! Quel inconscient oserait braver les gros bras qui montent la garde ?
C’est bien d’ailleurs la question qui désormais se pose. Mme Diallo a-t-elle agi seule dans la chambre 2806 de l’hôtel Sofitel ou y a-t-elle été envoyée par un groupe clandestin pour faire tomber le directeur du FMI, ce 14 mai 2011, à la veille d’échéances capitales pour lui ? Pas plus que l’on ne pouvait trancher entre l’agression sexuelle ou la machination, on ne saurait aujourd’hui préférer une solution plutôt que l’autre, en l’état des informations disponibles. DSK a beau être libre désormais, tant qu’il est aux USA, sa parole est serve. Il doit continuer à suivre la ligne de défense qui lui a si bien réussi : au cours de sa visite à ses anciens collaborateurs du FMI, il a encore parlé de « son erreur » pour s’en excuser. Mais quand il sera rentré en France, on peut s’attendre à ce ce qu’il livre sa version, et ce sera la première fois qu’on l’entendra. L’affaire ne fait peut-être que commencer. Paul Villach
Paul Villach
© Copyright Coaguines
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire