Selon le rapport d’audit rendu public cette semaine, des dépenses colossales ont été effectuées sans le moindre respect des procédures et principes de gestion réglementaires. Ces dépenses ont causé en un temps record des préjudices énormes aux finances publiques.
Dans cette édition, nous livrons quelques observations effectuées sur pièces et sur place en février 2011.
Le coût des prestations varie de manière considérable et techniquement inexplicable. Un marché de 345 Mds FG correspondrait ainsi à seulement 90 Mds FG de travaux à réaliser. Le kilomètre de voirie rénovée varie de 6 Mds FG (assainissement inclus) à 14,6 Mds FG (hors assainissement).
Des chantiers ont bénéficié d’avances mais n’ont pas dépassé le stade de la pose de la première pierre ou du lancement des fondations, y compris dans des cas déclarés prioritaires (collèges…)
Dans un camp militaire de Kankan, seuls 35 des 119 ouvrages prévus ont connu un début d’exécution, mais sont en partie abandonnés sans être sécurisés, avec des fondations fissurées, des matériaux déficients et sans devis pour mesurer le degré d’exécution.
Dans la même région, le déplacement du délai contractuel expose des travaux routiers à des dégradations immédiates, faute d’avoir été achevés avant la saison des pluies. Comme dans d’autres sites, des entreprises ont affecté une seule équipe à la réalisation qui devrait être simultanée à plusieurs chantiers ; le résultat est que certains n’ont pas encore commencé.
Une entreprise a obtenu une avance de 49 Mds FG pour un marché de bitumage dans huit (8) communes enregistré le 19 février 2010, mais le taux d’exécution est inférieur à 3%.
Manquements à la bonne gestion des deniers publics et à la surveillance des prix :
. Automobiles payées deux ou trois fois plus que le modèle de base, jusqu’à plus d’un milliard de FG chacune et livrées avant la signature du marché ;
. 112 appartements pour douaniers à 1,72 Mds FG chacun;
. Centre militaire de banquets, commercial et de conférences;
. Tables à manger (six places) de logements d’officiers à plusieurs milliers de dollars chacune ;
Ordinateurs et imprimantes de bureau facturés deux ou trois fois plus cher que les modèles standards ; 100 lecteurs portables de cartes électroniques à 9 850 $ l’unité (Défense).
Les quantités commandées surprennent parfois : ainsi, 50.000 médailles militaires en une seule livraison : ou encore 39 millions $ de vêtements, soit près de 1 000 $ par militaire.
La qualité des prestations est inférieure à celle commandée : murs en parpaing facturés comme étant en béton armé.
Les risques ou présomptions de doubles paiements sont multiples : paiements simultanés par lettre de garantie non comptabilisée et par la chaîne normale de dépenses ; marchés successifs pour une même opération (un marché initial de 201 Mds FG a été complété par un marché de 920 Mds FG, avec une présomption de double paiement proche de 100 Mds FG ; (Défense).
Il en résulte de fortes présomptions de détournements et de fraudes de toutes natures.
Des engagements et des paiements incomplètement identifiés
L’analyse effectué »e en février 2011 a porté principalement sur la réalité des engagements de l’Etat résultant des marchés enregistrés en 2009-2010 par la Direction nationale des marchés publics (DNMP). Le contrôle de leur exécution financière et physique a été effectué au travers d’un échantillon de 9 450 Mds FG d’engagements sur 13 500 Mds FG (82 des 617 marchés).
Les données, quoiqu’incomplètes, soulignent la prédominance de quelques donneurs d’ordure et de quelques fournisseurs. En 2009 et 2010, la DNMP a enregistré 617 marchés, d’une valeur de 13 543 Mds FG ; les 500 marchés de 2010 représentent 73% de leur valeur totale. La commande publique a été fortement concentrée. Elle l’a d’abord été entre trois principaux Ministères dépensiers : MPCDN (1 627 Mds FG de marchés validés en 2009 et 4.389 Mds FG en 2010) ; MECABTP (177 Mds FG en 2009 et 894 Mds en 2010) et MTP2 (273 millions FG en 2009 et 1 787 Mds FG en 2010), soit :
En dépit de cette concentration, l’Etat n’a pas une vue exhaustive de ses engagements, qu’ils soient fondés sur des marchés valides ou qu’ils résultent de commandes irrégulièrement passées. Des écarts ont ainsi été relevé entre la liste récapitulative émanant de la D NMP et celle de la direction du Trésor : la liste tirée de sa « chaîne de la dépense »3 a permis de retrouver des marchés d’une valeur de 1 792 Mds FG. Une forte concentration est de même constatée parmi les fournisseurs attributaires de marchés sans mise en concurrence.
S’agissant du BTP, GUICO PRES et ENCO5 ont bénéficié de 68 % du montant total des marchés passés en 2010, soit 4.368 Mds FG (dont Défense : 2.044 Mds FG, et Ministère des patrimoines bâtis publics : 656 Mds FG). Une troisième entreprise (ZAGOPE) a reçu 78% du montant commandé par le Ministère des Travaux publics.
Une quatrième entreprise, polyvalente (KATEX), représente 4 % du total.
Autre exemple, trois entreprises se partagent les marchés de voirie, sans jamais être mises en concurrence, et il en va de même pour les véhicules. Ces agrégats montrent l’importance des enjeux pour le budget de l’Etat et l’ampleur des gains escomptables d’une gestion plus économe et rationalle4.
Les échéances 2011 des marchés enregistrés au titre de 2009 et de 2010 ont été estimées par l’Etat à 1 215 Mds GNF sur un total de titre V de 1 816 Mds.
Compte tenu d’une conjoncture budgétaire et économique particulièrement difficile, l’Etat pourrait donc dégager une importante marge de manœuvre, en gelant les marchés en cours. Cela permettrait d’inventorier précisément les opérations en cours, et de sélectionner celles, prioritaires, à mener à bien selon un calendrier réaliste, après appel d’offres ou, par exception, renégociation.
Ce gel des marchés est doublement possible. D’une part, selon les contrôles physiques effectués sur place en février 2011 par des inspecteurs généraux et des ingénieurs, les chantiers du bâtiment et des travaux publics correspondants n’étaient pas encore à un stade élevé d’exécution mi-février 2011.
D’autre part, la résiliation est prévue par les marchés, quoique de manière variable, en cas de manquements du fournisseur tels que ceux illustrés plus loin (travaux non commencés, dépassement du délai contractuel d’exécution) ; de force majeure l’empêchant de réaliser les travaux, de mise en règlement judiciaire ou faillite, et parfois « si (l’Etat) décide de sa propre initiative et pour quelque raison que ce soit de résilier le présent marché ».
In Horoya 7081 du jeudi 31 mars
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